Dans son troisième discours depuis le début de la contestation, mi-mars, le dirigeant syrien a annoncé que des élections législatives pourraient avoir lieu en août. Mais "il n’y aura pas de réformes dans le sabotage et le chaos" a-t-il prévenu.
Bachar al-Assad lâche du lest. À l’heure où la communauté internationale fait de plus en plus pression sur Damas et que, dans le pays, la contestation ne faiblit pas, le dirigeant syrien a annoncé dans un discours-fleuve de 75 minutes qu’il allait lancer une "commission de dialogue national" qui pourrait aboutir à "une nouvelle Constitution". Celle-ci pourrait même être dépourvue du fameux article 8 sur l'hégémonie du parti Baas, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 40 ans.
"Certains pensent qu'il y a des atermoiements en ce qui concerne les réformes, qu'il n'y a pas de sérieux. Ce n'est pas vrai, le processus de réformes est une conviction totale dans l'intérêt de la patrie et aucune personne raisonnable ne peut aller à l'encontre de la volonté du peuple", a-t-il estimé.
itLe président syrien a fixé le calendrier des prochaines étapes. Premièrement, Damas va mettre en place "une commission chargée d’examiner une réforme de la Constitution et de formuler des recommandations d’ici un mois", a-t-il annoncé lors de sa troisième intervention publique depuis le début des manifestations historiques contre son régime, le 15 mars dernier.
Ensuite, des "élections législatives devraient avoir lieu en août et une série de réformes devraient être rédigées en septembre", a déclaré le chef du parti Baas.
"Il y a certainement un complot" contre la Syrie
Mais tout cela sous condition. Car il n’y aura "pas de développement sans stabilité, il n’y aura pas de réformes à travers le sabotage et le chaos", a-t-il prévenu.
Alors que les violences secouent toujours le nord-ouest du pays, le dirigeant a insisté sur la distinction "entre les manifestants et les destructeurs, qui sont une minorité et profitent de la bonté du peuple syrien". Selon lui, les fauteurs de troubles sont les quelque "64 000 personnes recherchées" par la justice syrienne pour lesquelles la "situation actuelle sert les intérêts", ainsi qu’une "composante avec une mentalité salafiste et terroriste". Il a par ailleurs appelé les quelque 10 000 réfugiés en Turquie ayant fui la zone de combat à rentrer chez eux. "Ceux de Jisr el-Choughour qui sont allés en Turquie, qu'ils reviennent. Certains leur disent que l'Etat va se venger, je leur dis que ce n'est pas vrai", a-t-il assuré.
Pour Damas, il y a aussi "d’autres composantes, comme la composante extérieure, et puis ceux qui sont payés pour filmer et contacter les médias. (…) Mais je ne vais pas prêter attention à ce qui se dit à l’extérieur", a déclaré Al-Assad. "Il y a certainement un complot" contre la Syrie, a poursuivi le président syrien sous les applaudissements.
"Je ne pense pas qu'il y ait eu un seul jour où la Syrie n'a pas fait l'objet d'un complot, que ce soit en raison de sa situation géographique ou en raison de sa position politique", a-t-il par ailleurs souligné.
Un discours qui "consacre la crise"
Cette intervention de Bachar al-Assad peut-elle ramener le calme dans le pays ? Rien n’est moins sûr… L’opposition syrienne a jugé les propositions formulées par le chef de l'État insuffisantes : "Nous jugeons inutile tout dialogue qui n'aboutirait pas à tourner la page du régime actuel", ont insisté, après le discours, les Comités locaux de coordination, une ONG syrienne qui chapeaute les militants organisant les manifestations. Ils appellent à poursuivre "la révolution jusqu'à la réalisation de tous ses objectifs", estimant que le discours "consacre la crise".
L'avocat des droits de l'Homme Anouar Bounni, qui vient de purger une peine de cinq ans de prison, l'a lui aussi jugé "décevant". "Une véritable solution politique est basée sur des conditions qui n'ont pas été évoquées comme le retrait de l'armée des villes et le respect du droit à manifester pacifiquement."
Même son de cloche sur les réseaux sociaux. "Aujourd’hui, c’est plus clair que jamais : Bachar al-Assad ne peut pas rester au pouvoir. Il n’y a aucune chance qu’il réforme", pouvait-on lire sur le fil Twitter du cyberactiviste Malath Aumran.
L’Union européenne (UE), elle, ne semble pas dupe non plus. Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, a qualifié le discours de "décevant et pas convainquant" et, peu après l’allocution, les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ont déclaré que Bruxelles ne changeait pas de ligne vis-à-vis de Damas.
L'UE "prépare activement le renforcement de ses sanctions contre la Syrie par des désignations additionnelles", indiquent-ils dans un communiqué commun adopté ce lundi à Luxembourg.
"Le discours a négligé de préciser les points suivants : la transition vers un système démocratique, l’ordre de ne plus tirer sur les manifestants, le contenu du dialogue national, et les parties qui participeront à ce dialogue national", note Bourhan Ghalyoun, président du centre des études de l'Orient contemporain à la Sorbonne, sur l’antenne de FRANCE 24.