Amnesty incrimine les deux camps qui se sont opposés après l'élection présidentielle ivoirienne - les forces de Laurent Gbagbo ainsi que celles d'Alassane Ouattara - d'être chacun responsable des crimes de guerre commis durant cette période.
REUTERS - Les forces fidèles à Laurent Gbagbo tout comme celles soutenant Alassane Ouattara ont commis des crimes de guerre durant les violences consécutives au scrutin présidentiel de novembre dernier en Côte d'Ivoire, accuse mercredi Amnesty International.
Cette organisation de défense des droits de l'homme reproche aussi aux troupes de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire (Onuci) leur incapacité à protéger les civils, selon un rapport rédigé à partir des récits de témoins et de victimes des violences post-électorales.
"Des centaines de personnes ont été tuées illégalement, souvent uniquement sur la base de critères ethniques ou d'affiliations politiques présumées. Des femmes et des adolescentes ont été victimes de violences sexuelles, y compris de viols, et des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de fuir leur domicile", écrit Amnesty.
La Côte d'Ivoire a replongé dans la guerre civile après le deuxième tour, le 28 novembre, d'une élection présidentielle censée réunifier le pays après 10 ans de divisions. Le président sortant Laurent Gbagbo a refusé de reconnaître les résultats certifiés par l'Onu donnant Alassane Ouattara vainqueur.
La crise a pris fin avec la capture de Laurent Gbagbo le 11 avril par les forces pro-Ouattara, soutenues par l'armée française agissant à la demande de l'Onu.
Amnesty souligne toutefois que des violences se sont poursuivies ensuite.
La plupart des atteintes aux droits de l'homme recensées par Amnesty sont imputées aux forces de sécurité de Laurent Gbagbo et à leurs miliciens alliés, accusés d'avoir cherché à maintenir le président sortant au pouvoir par la force.
Dimension ethnique
Des hommes ayant fait allégeance à Alassane Ouattara se sont aussi rendus coupables d'exécutions sommaires, d'incendies de villages et d'un massacre de civils à Duékoué, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, selon Amnesty.
"Les informations recueillies par Amnesty International montrent clairement que toutes les parties au conflit ont commis des crimes au regard du droit international, y compris des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité", affirme l'organisation.
De nombreux témoignages donnent une dimension ethnique aux violences. Ainsi, les forces de Laurent Gbagbo et leurs miliciens vérifiaient les papiers d'identité avant de tuer les membres de la tribu Dioula, celle d'Alassane Ouattara, tandis que les partisans de ce dernier ont détruit des villages habités par des tribus perçues comme pro-Gbagbo et tué leurs habitants.
Au sujet du massacre de Duékoué fin mars et début avril par des forces pro-Ouattara, qui aurait fait plusieurs centaines de morts, Amnesty critique l'absence d'intervention des casques bleus de l'Onu.
"Ce massacre s'est déroulé à Duékoué alors qu'une base de l'Onuci se trouvait à un kilomètre du Quartier Carrefour, le principal lieu des tueries. Les premières personnes qui ont pu trouver refuge à la Mission catholique ont sollicité l'aide des soldats de maintien de la paix, en vain", écrit Amnesty.
Alassane Ouattara a demandé à la Cour pénale internationale d'enquêter sur les crimes les plus graves qui auraient été commis durant la crise.
Il souhaite aussi la tenue en Côte d'Ivoire d'un procès de Laurent Gbagbo, détenu dans le nord du pays, et de ses principaux collaborateurs.
Un tel procès semble peu compatible avec sa volonté de former une commission "vérité et réconciliation", sur le modèle sud-africain, censée contribuer à guérir les cicatrices d'un pays divisé.
"Le président Alassane Ouattara et son gouvernement doivent respecter leur promesse de lutter contre l'impunité et de faire en sorte que justice et réparation soient rendues à toutes les victimes quels que soient leur groupe ethnique et leur affiliation politique présumée", prévient Amnesty.
"Si ces mesures ne sont pas mises en oeuvre de manière prioritaire, l'avenir de la Côte d'Ivoire risque de replonger à nouveau dans un cycle de violations et d'atteintes aux droits humains impunies qui provoqueront tôt ou tard des appels à la vengeance et feront le lit de nouvelles violences."