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"Patrick Pélata était le seul à tenir tête à Carlos Ghosn"

Pierre Alanche, ancien salarié de Renault et auteur de "Renault, côté cour", estime que la démission de Patrick Pélata (en arrière-plan sur la photo) est une mauvaise nouvelle. Le numéro 2 était le seul à tenir tête au PDG, Carlos Ghosn.

Il n'est plus directeur général de Renault. Patrick Pélata, figure emblématique du groupe automobile français, a présenté, lundi, sa démission au conseil d'administration extraordinaire de l'entreprise, qui l'a acceptée. Le bras droit de Carlos Ghosn est le plus haut responsable de l'entreprise à faire les frais de la fausse affaire d'espionnage qui a ébranlé le constructeur automobile

Cet ancien de la maison Renault représentait le courant social de l'entreprise. À tel point que certains, à l'instar de Pierre Alanche, un ancien salarié et auteur de " Renault, côté cour" (éd. de l'Atelier, 2007) estime que son départ est une mauvaise nouvelle pour le groupe.

FRANCE 24 : La démission de Patrick Pélata du poste de directeur général est-elle une mauvaise nouvelle pour Renault ?
Pierre Alanche : Oui, Patrick Pélata avait réussi à faire le lien entre la base du groupe et la direction. Proche de Carlos Ghosn - ils ont été camarades de promotion à Polytechnique-, il est considéré comme l’un des principaux artisans du dialogue social au sein de Renault. Il était également en charge de tout l’opérationnel et a personnellement supervisé la mise en œuvre de la stratégie de la voiture électrique de Renault.

Sa démission marque aussi le retrait de l’un des principaux porte-parole de la tradition sociale du groupe. Patrick Pélata a travaillé plus de 30 ans pour Renault. Il est passé par tous les services avant d’accéder aux plus hautes fonctions. Il ne faut pas oublier qu’il est l’auteur d’une thèse sur la dimension sociale de toute stratégie industrielle et qu’il a été un temps compagnon de route du parti communiste français.

F24 : Comment était-il considéré par les salariés de Renault ?
Pierre Alanche : Il était clairement considéré comme l’un des dirigeants les plus ouverts au dialogue. L’entreprise ne se résume pas pour lui à une stratégie industrielle. Au contraire, Patrick Pélata a toujours mis en avant la dimension sociale dans l'entreprise, ce qui a fait pendant des années la spécificité de Renault.

Mais surtout, tout le monde s’accorde à dire que Patrick Pélata était le seul à oser tenir tête à Carlos Ghosn. Il n’a jamais eu peur de contredire le grand patron et discuter ses choix. Pour autant, il ne faut pas se leurrer, les deux hommes avaient la même vision stratégique pour le groupe.

F24 : Dans ces conditions, pourquoi le conseil d’administration a-t-il accepté la démission de Patrick Pélata ?
Pierre Alanche : Carlos Ghosn ne voulait pas se séparer de son numéro 2. Il avait déjà une première fois refusé sa démission début mars. Il est persuadé que Patrick Pelata n’a pas commis d’erreurs. Donc, il ne s’agit pas ici d’une guerre de pouvoir. Mais, l’opinion publique et l’État voulaient couper des têtes, et seul Patrick Pélata a la carrure suffisante pour jouer les victimes expiatoires. L’autre option était de sacrifier Carlos Ghosn mais comme le PDG est le ciment de l’ensemble Renault-Nissan, il était impossible de le faire tomber.

Reste que Patrick Pélata demeure au sein du groupe, ce qui est tout de même un signal fort. Encore faut-il maintenant savoir quel rôle lui sera attribué ?