La Banque centrale européenne a augmenté son taux directeur pour la première fois depuis le début de la crise en 2008. Elle invoque la nécessité de lutter contre l’inflation. Un pari risqué.
Pour la première fois depuis le début de la crise, la Banque centrale a relevé jeudi son taux directeur de 1 à 1,25 % afin de lutter contre l'inflation en Europe. Un pari risqué pour Christophe Blot, spécialiste de l'économine européenne à l'OFCE (Office français des conjonctures économiques).
FRANCE 24 : C’est la première fois depuis le début de la crise que la BCE va augmenter ces taux directeurs, pourquoi ?
Christophe Blot : Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, a fait comprendre qu’il était temps de lutter contre l’inflation dans la zone euro. Depuis le début de l’année elle est de 2,4 % alors que l’objectif de la BCE est de maintenir l’inflation à 2 %. En augmentant le taux directeur, même de 0,25 % comme ce devrait être le cas, Jean-Claude Trichet espère freiner cette tendance.
C’est une approche discutable car l’inflation actuelle est uniquement due à l’augmentation des prix du pétrole et c’est par définition un indicateur très volatile. Si on enlève le prix du pétrole et le prix des denrées alimentaires, volatile également, l’inflation n’est que de 1 %. En ne prenant pas en compte cet élément, la BCE adopte une réflexion uniquement à court terme, alors qu’elle est censée réfléchir à moyen-terme. De plus si on regarde à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les banques centrales ne sont pas aussi strictes sur les objectifs de lutte contre l’inflation.
F24 : Le faible taux directeur qui a été celui de la BCE jusqu'à présent était censé favoriser la croissance en période de crise. Est-ce que son relèvement suggère que la crise est finie selon la banque centrale ?
C.B. : On peut se le demander. En effet, une autre raison pour remonter le taux indicateur est que la BCE a toujours estimé que la politique monétaire avant la crise était trop laxiste. Elle a souvent expliqué qu’avec des taux d’intérêt trop bas, les crédits avaient coulé à flot et avaient favorisé l’émergence de bulles [immobilière, spéculatives] qui ont joué un rôle dans le déclenchement de la crise. Donc en relevant le taux, on peut penser que la banque centrale estime qu’elle doit maintenant travailler à éviter de nouvelles bulles plutôt que de soutenir la croissance.
F24 : Pourtant, on peut difficilement dire que l’Europe est en pleine croissance…
C.B. : C’est en effet une question de timing. Je pense que la BCE agit trop tôt. En augmentant ses taux, les banques devront payer plus cher pour se financer alors que le secteur bancaire en Europe est encore très fragile. De plus, à terme, les banques vont augmenter les taux auxquels ils prêtent de l’argent, ce qui ne va pas améliorer le pouvoir d’achat. Si on rajoute à cela tous les plans de rigueur décidés dans les pays de la zone euro, c’est un pari très risqué que fait la BCE. Et tout ça alors que l’inflation n’est pas si forte que ça !