Retranché dans le bunker de sa résidence abidjanaise, le président sortant Laurent Gbagbo négocierait son départ tout en refusant de reconnaître sa défaite. À Abidjan, les armes se sont quasiment tues depuis mardi matin.
AFP - Le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo refusait toujours mardi de reconnaître sa défaite malgré l'écroulement de son régime et la demande de cessez-le-feu de son armée, assommée par des frappes de la France et de l'ONU avant l'avancée des forces d'Alassane Ouattara.
itAlors que la France et l'ONU exigent qu'il signe un document dans lequel il renonce au pouvoir et reconnaît son rival comme président, il a averti qu'il n'en était pas question.
"Je ne reconnais pas la victoire de Ouattara. Pourquoi voulez-vous que je signe ça ?", a-t-il lancé mardi lors d'un entretien sur la chaîne française LCI.
Après des jours de combats à l'arme lourde qui ont fait des "dizaines de morts" à Abidjan selon l'ONU, et une sanglante crise post-électorale de quatre mois, les armes se sont quasiment tues dans la métropole ivoirienne.
"Il y a un arrêt des combats mais il y a des tirs sporadiques de la part de groupes de jeunes qui ne font pas partie" des forces belligérantes, a indiqué la mission onusienne Onuci.
Quelques tirs d'armes lourdes ont retenti dans le quartier de Cocody (nord), qui abrite la résidence présidentielle.
Les habitants, dans leur immense majorité terrés chez eux, restaient suspendus à l'annonce de la fin de l'ère Gbagbo, tandis que la télévision TCI du camp Ouattara diffusait des extraits de "La chute", film sur les derniers jours d'Adolf Hitler.
"Retranché" d'après les Nations unies dans un "bunker" au sous-sol de sa résidence, vers laquelle avaient convergé dans la matinée les combattants du président reconnu par la communauté internationale Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo s'obstinait.
"Je trouve absolument ahurissant que la vie d'un pays se joue sur un coup de poker de capitales étrangères", a-t-il lâché.
"Je sors d'un culte pour prier, pour que la sagesse habite les uns et les autres, pour que l'on discute", a encore déclaré ce fervent chrétien évangélique.
"Que l'on s'asseye et qu'on discute, mais on ne veut pas s'asseoir, parce qu'on compte sur les forces armées étrangères", a-t-il déploré.
"Moi, je ne suis pas un kamikaze, j'aime la vie. Ma voix n'est pas une voix de martyr, je ne cherche pas la mort mais si la mort arrive, elle arrive", a-t-il encore expliqué.
Il y a actuellement des "tractations" au sujet de Laurent Gbagbo mais "pas encore de reddition", a affirmé la présidence française à l'AFP. Même son de cloche du côté de l'ONU.
Selon une source proche du dossier, une autre pierre d'achoppement était la destination de M. Gbagbo: restera-t-il sur ses terres ou ce nationaliste farouche sera-t-il contraint à l'exil?
Selon le Premier ministre français François Fillon, "deux généraux proches" de M. Gbagbo étaient actuellement "en train de négocier les conditions d'une reddition".
itLe président américain Barack Obama a appelé l'ex-homme fort d'Abidjan à "démissionner immédiatement", soutenant "fermement" les frappes de l'ONU et de la France lundi sur ses derniers bastions.
Ces bombardements sur l'armement lourd des forces pro-Gbagbo avaient précipité l'effondrement de son régime, après plus d'une décennie de pouvoir et huit jours d'une offensive éclair des forces pro-Ouattara, venues du Nord.
Ministre des Affaires étrangères de M. Gbagbo et proche parmi les proches, Alcide Djédjé a joué un rôle-clé dans l'épilogue en cours.
Il s'est rendu chez l'ambassadeur de France, dont la résidence jouxte celle de M. Gbagbo, pour négocier un cessez-le-feu "à la demande", selon lui, du sortant.
Le chef d'état-major de l'armée loyale à M. Gbagbo, le général Philippe Mangou, a peu après déclaré à l'AFP que ses troupes avaient "demandé au général commandant l'Onuci un cessez-le-feu". "Nous avons arrêté les combats", a-t-il ajouté.
L'ex-opposant au "père de la Nation" Félix Houphouët-Boigny, devenu président en 2000 lors d'un scrutin déjà contesté, n'a jamais reconnu sa défaite à la présidentielle du 28 novembre 2010, un vote pourtant certifié par l'ONU. Il a toujours refusé d'abdiquer ou de partir en exil.
Mais la résistance acharnée de ses troupes à Abidjan, qui comptait avant la crise environ 5 millions d'habitants, a plongé la ville dans le chaos.
Le Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme a fait état de "dizaines de morts" ces derniers jours dans des combats à l'arme lourde.
La situation humanitaire "est devenue absolument dramatique à Abidjan", selon le Bureau de coordination des Affaires humanitaires des Nations unies.
L'ONU a estimé à "plusieurs centaines" le nombre de personnes qui ont péri dans des massacres la semaine dernière à Duékoué, dans l'Ouest - les bilans font état, selon les sources, de 330 à un millier de victimes - et révélé l'existence d'un charnier contenant 200 corps. Les forces pro-Ouattara ont notamment été pointées du doigt.
L'Union africaine a condamné les "abus" et les "violations des droits de l'Homme" et a de nouveau appelé à "la protection impérative de la population civile".
Une polémique a enfin éclaté sur les frappes de l'ONU et de la France.
Le président en exercice de l'UA, le chef de l'Etat équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema, les a condamnées et la Russie a dit étudier leur "légalité".
A l'inverse, le Nigeria a soutenu cet engagement. Pour le Sénégal, autre allié majeur de M. Ouattara, l'intervention répondait à une demande de l'Afrique de l'Ouest.