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Lâché par une partie de l'armée, les tribus majoritaires, ses ambassadeurs et la communauté internationale, le président yéménite Ali Abdallah Saleh ne dispose plus que du soutien de sa garde républicaine et d'une poignée de fidèles.
Rien ne semble adoucir le vent de contestation anti-gouvernemental qui souffle sur le Yémen. Le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis trente-deux ans, a promis des réformes et juré de ne pas briguer de nouveau mandat en 2013. Il s'est aussi engagé à défendre le pays, a limogé une partie de son gouvernement et a même proposé des élections anticipées. Mais rien n’y fait. La population maintient plus que jamais son opposition et Saleh perd ses appuis politiques, militaires et tribaux les uns après les autres.
Le président, qui devait sa force, sa légitimité ainsi que sa longévité à des confédérations tribales, fait face à des défections notables - notamment celles des Hached et des Bakil. Sans le soutien de ces deux tribus - composées de milliers de clans qui représentent la majorité de la population dans le nord du pays et qui noyautaient, jusqu’à maintenant, l’armée, les services et l’administration -, le président est plus isolé que jamais.
Au sein de l'armée, des divisions naissantes entre gradés
Désormais, l ’armée affiche ses divisions. Plusieurs hauts gradés se sont ainsi déjà retournés contre le pouvoir. Deux commandants de région, dont le général Ali Mohsen al-Ahmar, responsable du nord-est - qui comprend la capitale Sanaa -, ainsi que le général Mohammed Ali Mohsen, en charge du district oriental, se sont rangés aux côtés de l’opposition.
Dans le sud du pays, deux autres généraux, Nasser ali Chouaibi et Fayçal Rajab, ont également annoncé leur défection. A Sanaa, des dizaines d’officiers ont rallié les protestataires qui manifestent toujours sur la place de l’Université, épicentre de la contestation, pour demander le départ du président.
"L’armée n’est plus ce qu’elle était avant la révolution. Il y a désormais des divisions parmi les officiers. Quant à la rue, elle fait pression sur le pouvoir", explique à France24.com Hichem Karoui, chercheur au Centre de l’Orient contemporain, rattaché à l’université Paris III.
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YÉMEN : Saleh de plus en plus isolé
L'onde choc des révolutions tunisienne et égyptienne
A l'image des révolutions tunisienne et égyptienne, "les défections au sein de l’armée sont devenues inévitables", explique le chercheur, pour qui le combat désespéré de Saleh visant à un maintien au pouvoir n’est pas sans rappeler les ex-présidents Moubarak et Ben Ali.
"Comment voulez-vous que les militaires fassent autrement quand ils regardent ce qui se passe dans la région. Moubarak était le plus fort, il était protégé et il est quand même tombé. Kadhafi a retourné le monde contre lui. Le compte à rebours pour les régimes dictatoriaux a sonné. Les généraux savent qu’il n’y aura plus de retour en arrière", ajoute Hichem Karoui.
C'est ainsi que des blindés issus des unités du général Ahmar ont été déployés autour de la Banque centrale, du siège du parti présidentiel - le Congrès populaire général (CPG) - et d’autres places fortes de Sanaa.
La garde rapprochée de Saleh
En tirant sur la foule, le président Saleh a franchi une ligne rouge et perdu sa légitimité.
Hichem Karoui, Chercheur au Centre de l’Orient Contemporain
Désormais, le président Saleh compte sur le noyau dur du régime. Des tanks de la garde présidentielle, dirigée par son fils Ahmed, et des forces spéciales, commandées par son neveu Tarek, ont pris position autour du palais présidentiel. Lundi soir à Moukalla, dans le sud-est du pays, un premier accrochage a eu lieu entre soldats de l’armée régulière et membres de la garde présidentielle, faisant un mort dans chaque camp.
"Comme beaucoup de chefs d’Etat arabes, le président Saleh est entouré de membres d'une garde spéciale engagés pour être ses gardes du corps. Ils sont prêts à défendre le président envers et contre tous. Même contre sa propre famille", explique Hichem Karoui.
Mais les forces spéciales ne peuvent pas tout. Depuis que des tireurs d'élite ont tué 52 manifestants à Sanaa vendredi dernier, le risque de guerre civile grandit à mesure que s’accroît l’isolement du président Saleh. "En tirant sur la foule, le président Saleh a franchi une ligne rouge et perdu sa légitimité, poursuit le chercheur. Le pouvoir est dans l’impasse et il ne pourra pas tenir très longtemps. Sachant que la manière forte n’a pas toujours été productive, il court à la guerre civile. "
Ce matin, le président Saleh a fait approuver l’instauration de l’état d’urgence par le Parlement : un vote aussitôt contesté par l’opposition.
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