De retour à Paris après deux semaines de reportage à Benghazi, Cyril Vanier, grand reporter à FRANCE 24, revient sur les jours pendant lesquels l’insurrection a pris le contrôle de l’est du pays. Avant de reculer...
Mercredi matin, Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel Mouammar Kadhafi, a déclaré qu’en Libye, "tout serait fini d’ici 48 heures", alors que les forces armées loyales au régime continuent d'avancer en direction de Benghazi, dernier bastion de l’insurrection.
Deuxième ville du pays, Benghazi est uneposition stratégique en raison de son port, l’un des plus importants du pays. Mais la "capitale rebelle", tombée aux mains des opposants au Guide dès le 20 février, est surtout une ville traditionnellement frondeuse que le régime n’a jamais porté dans son cœur, à la différence de Syrte, fief de Kadhafi, ou de Tripoli, la capitale.
Cyril Vanier, grand reporter à FRANCE 24, est rentré à Paris il y a deux jours après avoir passé deux semaines en reportage dans l’est de la Libye. Il estime que même si les "effets d’annonce" du régime "se succèdent", la reprise de la ville pourrait intervenir très rapidement : "Les forces pro-Kadhafi avancent de manière ininterrompue depuis une semaine", explique-t-il.
Face à la progression fulgurante de l’armée loyaliste, celui-ci a constaté l’effritement de l’insurrection, jour après jour, et tout particulièrement l’affaiblissement du soutien populaire à la révolte : "Ce qui a changé entre notre arrivée et notre départ, c’est qu’au sein de la population, le soutien indéfectible au mouvement de révolte a commencé à se fissurer. On a eu le sentiment, pendant quelques jours, que la révolution ne pouvait pas perdre, raconte-t-il. Tous les Libyens le partageaient et, officiellement, tout le monde soutenait la révolution."
itUn soutien aujourd’hui altéré, poursuit Cyril Vanier : "Mais, au moment de notre départ, on commençait à voir que cette homogénéité se fissurait. Des personnes commençaient à nous arrêter pour nous dire qu’elles étaient favorables à Kadhafi". Il confie avoir "eu le sentiment que celles-ci envisageaient une après-révolution dominée par Kadhafi", et qu’il fallait "se préparer à faire des concessions avec le ‘nouveau’ régime Kadhafi".
À ce jour, seule une poignée de journalistes est restée à Benghazi. La plupart sont rentrés dans leur pays. D’autres attendent aux frontières que la situation évolue. Cyril Vanier estime que les risques encourus par les journalistes sont "réels", mais "difficiles à évaluer".
"On a quitté la Libye au moment où la ville d’Ajdabiya où nous séjournions n’était plus sûre. L’hôtel qui accueillait les journalistes a dû fermer parce que son propriétaire craignait des représailles, notamment envers les reporters. En outre, la veille de notre départ, un journaliste d’une chaîne internationale a été tué", explique-t-il avant de conclure : "C’est une tactique d’intimidation qui a fonctionné puisque certains journalistes sont partis."