La faiblesse du pouvoir d'achat et les tentatives du gouvernement d'encadrer la liberté d'expression alimentent la popularité du maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina, qui s'est proclamé samedi en charge des affaires du pays.
Retrouvez sur le site des Observateurs : "Pillages à Madagascar, notre Observateur raconte"
AFP - Difficultés économiques et entraves à la liberté d'expression alimentent la contestation actuelle contre le président malgache, confronté à un mouvement populaire emmené par le maire d'Antananarivo, foyer historique de la protestation sur la Grande Ile.
Le jeune maire de 34 ans, Andry Rajoelina, a franchi samedi une étape supplémentaire dans son rapport de force avec le régime en annonçant son intention de destituer le président Marc Ravalomanana et de prendre les rênes du pouvoir.
Si la mise en route rapide du mouvement et les violences qui l'ont accompagné (pillages et incendies volontaires de magasins lundi et mardi) ont pu étonner les Malgaches eux-mêmes, les ingrédients d'un malaise social étaient réunis depuis plusieurs mois, selon des observateurs.
"Ce n'est pas une véritable surprise. Il y avait déjà un malai se latent depuis l'année dernière compte tenu des conditions difficiles de pauvreté dans lesquelles vivait la population, la chute du pouvoir d'achat mais également une certaine défiance vis-à-vis du pouvoir", explique Jean-Eric Rakotohar isoa, vice-président de la faculté d'Antananarivo.
"Lors des dernières élections législatives de 2007, on a battu à Madagascar des records d'abstention. C'était la manière pacifique des Malgaches d'expliquer qu'il y a des problèmes", ajoute ce professeur de droit constitutionnel.
Selon lui, l"Affaire Daewoo" qui désigne un immense projet agricole dans lequel le groupe sud-coréen Daewoo Logistics se verrait octroyer 1,3 millions d'hectares, a également eu un impact: "la terre, c'est une donnée sacrée à Madagascar et (...) ça a été considéré comme une sorte de trahison national e".
Le deuxième pilier de la contestation réside dans la restriction de la liberté d'expression ressentie par les habitants, selon l'ancien ministre des Forces armées (1991-1993) et docteur en sciences politiques, Désiré Ramakavelo.
"C'est une pseudo-démocratie. Certes, il y a plusieurs journaux, plusieurs radios privées et publique, de télévision (...) Mais on ne tient pas compte des aspirations populaires. On considère le peuple malgache comme des enfants et qu'il appartient au parents, c'est-à-dire au pouvoir, de lui donner ce qu'il faut", estime l'ex-général.
Il ajoute que "ce sont les mêmes causes qui ont produit les mêmes effets" lors des précédentes crises malgaches (1972, 1991, 2002), dénonçant "l'amnésie des gens qui accèdent au pouvoir".
"Les Malgaches ont une tradition de liberté d'expression. Ca a été les revendications de 1991, de 2002 et on les retrouve aujourd'hui parce qu'on a pas cet espace de liberté", renchérit M. Rakotoharisoa, évoquant "le verrouillage de la télévision nationale et l'absence de débat pluraliste".
La fermeture le 13 décembre de la télévision du maire, Viva, a, selon lui, "servi de détonnateur".
Pour ces deux observateurs, il existe deux schémas de sortie de crise: soit les deux hommes s'entendent sur la formation d'un gouvernement d'union nationale, soit est mis en place un gouvernement de techniciens chargé de rédiger une nouvelle Constitution et d'organiser de nouvelles élections.
Un coup d'Etat militaire leur paraît exclu: "N'importe qui pouvait prendre le pouvoir lundi et mardi. Ici, il y a une tradition légitimiste de l'armée", assure le constitutionnaliste.
"A Madagascar, depuis 1972, on pratique le coup d'Etat institutionnel", pas militaire, explique pour sa part l'ex-ministre des Forces armées.