
, envoyée spéciale à Ras Jdir (Tunisie) – L'heure n'est plus à l'urgence dans le camp de réfugiés de Choucha, à la frontière tuniso-libyenne. Mais les ONG restent en état d’alerte : aucune information ne filtre sur la situation humanitaire en Libye...
Dans le camp de Choucha situé à Ras Jdir, à la frontière tuniso-libyenne, l’heure n’est plus à l’urgence. Si, à la fin de février, 10 000 à 15 000 réfugiés y arrivaient chaque jour, aujourd'hui en effet, ils sont dix fois moins nombreux - bangladeshis et somalis - à y affluer.
Deux semaines après l'ouverture du camp, la priorité est désormais à son assainissement. Restes de repas, chaussures orphelines, sacs plastique, emballages et linges divers et variés jonchent le sol, piétiné quotidiennement par quelque 17 000 réfugiés, des soldats tunisiens et des travailleurs humanitaires.
"Au début, il y avait beaucoup d’arrivées mais peu de départs", raconte Nargès Ben Mlouka, responsable des projets internationaux du Secours islamique français. Maintenant, la situation est gérable". Les Bangladeshis, dont les conditions d’évacuation ont longtemps posé problème, ont commencé à être rapatriés dimanche.
Les ONG en état d’alerte
Les ONG restent cependant sur leurs gardes. L’absence totale d’informations sur la situation du côté libyen de la frontière leur fait craindre d'avoir à gérer une nouvelle urgence.
Les réfugiés récemment arrivés de Libye évoquent en effet des camps dans lesquels les civils fuyant les combats seraient parqués. Une information qui reste toutefois invérifiable, les autorités libyennes refusant systématiquement de laisser entrer qui que ce soit sur leur territoire malgré les demandes répétées des journalistes et des humanitaires présents à Ras Jdir.
"On ne sait pas ce qui se passe de l’autre côté, mais ça n’augure rien de bon, assure Gherard J. W. Putnam-Cramer, conseiller humanitaire principal au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). On se prépare au pire." Une appréhension partagée par l’ensemble des travailleurs humanitaires.
"Nous avons fait pour l'instant le choix de ne pas nous engager au maximum de nos capacités, car nous voulons être prêts à intervenir dès que nous aurons accès à la frontière libyenne", explique David Nogueira, coordinateur général de la mission de Médecins sans frontières (MSF) Espagne au camp de Choucha. L'ONG n'exclut cependant pas de revoir ses priorités face à un nouvel afflux de réfugiés.
Au camp de Ras Jdir, l'action de MSF se limite à offrir une structure d’aide et de soutien psychologique aux réfugiés. Mais grâce à des contacts avec des médecins libyens, l’ONG est parvenue à faire passer clandestinement quelques colis de médicaments et de matériel médical. Pour l’instant, l’ONG ne souhaite pas y envoyer ses propres équipes. La situation est trop dangereuse, estiment-ils.
La coopération tunisienne exemplaire, selon MSF
Pour l’heure, les conditions sanitaires restent acceptables à l’intérieur du camp. Un miracle, selon les représentants de l'Ocha...
"Avant notre arrivée, le principal souci était l’absence d’un véritable gouvernement tunisien et de structures administratives. Mais nous avons été étonnés par la collaboration exceptionnelle entre tous les intervenants : armée, protection civile, et bonnes volontés populaires", explique Ramzy Dhafer, chef de l’antenne régionale.
Selon le Secours islamique, les dons de la population tunisienne ont été tels que pour les 5 000 repas quotidiens que l’ONG s’est engagée à servir, elle n’a presque pas eu besoin d’acheter de nourriture : seule la viande vient à manquer.
Une solidarité admirable, comme le souligne David Noguiera : "Ce qu’ont fait les Tunisiens est exemplaire".