Bien avant les révolutions tunisienne et égyptienne, le Liban a connu le "printemps de Beyrouth", au lendemain de l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri, survenu il y a six ans exactement. Que reste-il de ce mouvement ?
Bien avant la révolution tunisienne et la révolution égyptienne, le Liban a connu sa "révolution du Cèdre". Il y a six ans jour pour jour, le 14 févier 2005, l’assassinat de l’ex-Premier ministre Rafic Hariri en plein cœur de Beyrouth était le détonateur d’un soulèvement populaire, pacifique et multiconfessionnel qui a débouché sur une nouvelle donne politique dans le pays.
Le mouvement atteignit son point culminant le mois suivant, le 14 mars, avec le rassemblement de plus d’un million de manifestants sur la principale place de la capitale. Une mobilisation sans précédent qui, conjuguée à une forte pression internationale, conduisit à la démission du gouvernement prosyrien en place et au départ des forces armées syriennes stationnées dans le pays depuis 1976, permettant ainsi au Liban de recouvrir souveraineté et indépendance.
Contre-révolution
"Même s’ils sont différents, les soulèvements arabes actuels s’inscrivent dans une trame d’évènements dont le pionnier fut 'le printemps de Beyrouth'", explique ainsi Khattar Abou Diab, politologue et professeur à l'Université Paris XI.
Reste que, six ans plus tard et malgré deux victoires électorales (aux législatives de 2005 et de 2009) de "l’Alliance du 14 mars", le corps politique issu de la révolution du Cèdre, cette dernière demeure inachevée. Contrainte de gouverner avec l’opposition dans le cadre de différents gouvernements d’union nationale, l’Alliance a fini par perdre le pouvoir au profit de l’opposition.
Contrôlée par le Hezbollah, celle-ci a renversé le Premier ministre Saad Hariri et bouleversé la composition du Parlement après le ralliement de plusieurs députés qui appartenaient au camp de la majorité. "La contre-révolution menée par l’opposition a fonctionné à plein régime pour contrecarrer, dès sa naissance, ce mouvement de la jeunesse appelant à une refondation de l’identité libanaise et de l’État", analyse Khattar Abou Diab. Résultat : en janvier dernier, la chute du gouvernement a permis le retour aux affaires de partis pro-syriens.
Entre parenthèses
En plus des coups de boutoir qu'il a reçu de l’opposition, le mouvement initié par la société civile a aussi été dévoyé par la classe politique censée le représenter. "Ce mouvement a été en partie étouffé par les hésitations d’un leadership en manque d’initiatives. Les hommes politiques qui s'en réclamaient n’ont pas su ou voulu suivre les revendications de la jeunesse", analyse Khattar Abou Diab.
Les assassinats politiques qui ont suivi le retrait syrien, en avril 2005, ont aussi sensiblement fragilisé le camp du renouveau. Notamment ceux du journaliste et écrivain Samir Kassir et du patron de presse et député Gibran Tuéni, respectivement "le penseur et la plume du printemps de Beyrouth", selon Khattar Abou Diab.
Combattu et fragilisé, l’esprit de la "révolution du Cèdre" est aujourd’hui mis entre parenthèses, d’autant plus que, depuis la chute du gouvernement, le Liban est sans gouvernement. Le successeur de Saad Hariri, Najib Mikati, dont la candidature était soutenue par le Hezbollah, peine toujours à former un cabinet d’union nationale sur fond de tensions autour du sort du Tribunal spécial pour le Liban (TSL), l’instance internationale chargée de juger les assassins de Rafic Hariri.