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Les révoltes tunisiennes et égyptiennes trouvent un écho favorable dans les débats du onzième Forum social mondial de Dakar. Une aubaine pour les altermondialistes qui voient dans ces soulèvements la consécration de leur combat.

Le plus grand rendez-vous altermondialiste du monde, le Forum social mondial (FSM) qui se tient du 6 au 11 février, à Dakar, s'ouvre, cette année, sur une tonalité particulière. Il y a comme une odeur de poudre, "laissée dans le sillage africain par l’Egypte et la Tunisie", lâche Thomas Coutrot, co-président d’Attac France.

A l’heure où le nord de l’Afrique est secoué par des révoltes sans précédent, Thomas Coutrot sent "enfin" le vent tourner en faveur des "anti-Davos". "Ces révoltes populaires lancent pour la première fois un message très particulier au FSM", explique-t-il à France24.com, "celui qu’aucun régime, aussi soutenu soit-il par les puissances occidentales, ne peut résister à la pression du peuple".

Le FSM, qui se tient chaque année quelques jours après le Forum économique mondial de Davos, se présente comme le contrepoint à cette réunion annuelle du gotha politique et économique mondial dans une station de ski huppée des Alpes suisses. Le FSM, "c’est un rendez-vous marqué par les luttes sociales en faveur de la démocratie et de l’égalité entre tous", explique Alexandre Viscontini, responsable de la commission Institutions financières internationales (IFI) d’Amnesty France. 

Cette année encore, les participants vont débattre des moyens de mettre fin à l’opacité financière et du pillage des ressources. "Des combats actuels que les révoltes tunisiennes et égyptiennes mettent en valeur", précise encore le responsable d'Amnesty. Alors, au moment où des milliers de personnes d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et d’Europe convergent vers la capitale sénégalaise, "cette onzième édition fait figure de symbole".

Une marche de plusieurs dizaines de milliers de personnes

Le FMS en quelques mots

Créé en 2001, le Forum social mondial est un forum international ayant pour but réunir des organisations citoyennes du monde entier sensibles à la cause altermondialiste ("Un autre monde est possible"). Cet événement se présente comme une alternative sociale au Forum économique mondial qui se déroule chaque année en janvierà Davos, en Suisse. La première édition du FSM s'est tenue en 2001 à Porto Alegre, au Brésil. Le budget prévu est de plus d’un million d’euros financé pour l’essentiel par des ONG membres du FSM. C’est la première fois, en 2011, que l’Afrique francophone accueille le Forum.

Dimanche, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé dans la capitale sénégalaise avant l’ouverture du Forum. Qu’ils soient leaders d’opinion ou simples citoyens, tous avaient en tête les bouleversements sociaux dans le monde arabe. "La pression de la rue, c'est ça qui donne des résultats!", pouvait-on lire sur les pancartes des marcheurs, rapporte l’AFP.

Dans le cortège, la dirigeante du Parti socialiste français, Martine Aubry, n’a pas manqué de mettre l’accent sur une situation politique africaine inédite : "ce qui s'est passé en Tunisie montre que le peuple peut redevenir maître de son destin, quels que soient ses moyens. C'est peut-être ce que l'Europe a oublié".

A l’instar de la patronne du PS, d’autres acteurs politiques espèrent tirer profit des récentes révoltes nord-africaines, au cœur de tous les débats du Forum. Le président bolivien Evo Morales, invité au FSM, n’a pas failli à sa réputation en dénonçant une nouvelle fois le "néolibéralisme" et les "ennemis du peuple" tout en insistant sur le fait que "les peuples des pays arabes" étaient actuellement en train de "se rebeller contre l'impérialisme nord-américain".

Un forum "pas suffisamment écouté"

De leur côté, de nombreux Sénégalais ont rappelé à travers leurs banderoles qu'ils étaient eux aussi confrontés à de graves difficultés sociales et économiques dans un pays où le président, Abdoulaye Wade, 83 ans, est en lice pour un troisième mandat en 2012.

"Ce qui se passe en Tunisie est un véritable coup de fouet pour les autres Etats africains", dit Thomas Coutrot. "La crise économique, les spéculations financières et le chômage sont autant de leviers que de menaces pour les dirigeants en place".

La proposition altermondialiste essaie donc de se saisir de ce climat historique favorable pour s’imposer avec plus de force. "Les forums sociaux ne sont pas suffisamment écoutés. Maintenant que les dictateurs vacillent, ces rendez-vous devraient rencontrer un écho plus favorable en Europe ou en Afrique", estime Thomas Coutrot.