Jointe par France24.com, Michèle Montas, célèbre journaliste et opposante haïtienne, explique pourquoi elle a porté plainte contre Jean-Claude Duvalier, ce mercredi. Une initiative qualifiée d'"action chimérique" par l'avocat de l'ex-dictateur.
La journaliste haïtienne Michèle Montas et trois autres militants haïtiens des droits de l’Homme ont déposé plainte, ce mercredi, auprès de la justice haïtienne pour crimes contre l’humanité contre Jean-Claude Duvalier, alias "Bébé Doc", l’ex-dictateur haïtien qui a fait un retour surprise à Port-au-Prince dimanche dernier.
Après les déclarations de son entourage, Jean-Claude Duvalier dément s'être prononcé sur ses intentions politiques.
"Par la présente, je démens, de la manière la plus formelle qui soit, toutes déclarations politiques [...] qui me seraient imputées par un prétendu porte-parole, et faisant tout particulièrement allusion à des scénarios en relation avec le processus éléctoral en cours en Haïti, relayées par la presse nationale ou internationale."
"J’ai considéré son retour comme une gifle, explique à France24.com Michèle Montas, jointe par téléphone dans la capitale haïtienne. Beaucoup de citoyens haïtiens ont été affectés par le régime de Jean-Claude Duvalier… Lui a cru qu’il pouvait revenir en Haïti et s’en tirer comme cela !"
Michèle Montas était journaliste à Radio Haïti-Inter pendant les dix premières années de la dictature de Jean-Claude Duvalier (1971-1986). Elle et son époux - Jean Dominique, un célèbre journaliste haïtien assassiné en 2000 - ont dû fuir le pays en novembre 1980, alors qu’ils adoptaient un ton très critique envers le pouvoir. Ils n’ont pu y revenir qu’en 1986, après le départ de Duvalier fils.
Interrogée sur le "crime contre l’humanité" dont sa plainte est l’objet, Mme Montas explique qu’"à la fin des années 1980, il y a eu des rafles généralisées chez les militants des droits de l’Homme et les journalistes. Des personnes ont été torturées, ils ont pris tout ce qui bougeait. Et Radio Haïti a été détruite". Jean-Claude Duvalier est devenu célèbre pour les nombreuses exactions qui ont été commises sous son régime, des milliers d’opposants étant arbitrairement arrêtés et torturés. Certains ont même été assassinés.
itClaude Rosiers, 11 ans dans les geôles des Duvalier
Interrogé sur cette plainte par l’envoyée spéciale de FRANCE 24 à Port-au-Prince, Alexandra Renard, l’un des avocats de Jean-Claude Duvalier a dénoncé "une action chimérique". Plus tôt, un autre conseiller de l’ex-dictateur avait expliqué que celui-ci resterait "pour toujours" en Haïti, où il souhaitait "faire de la politique".
itOutre Michèle Montas, trois autres personnalités haïtiennes ont déposé plainte contre "Baby Doc" pour crime contre l’humanité : le président de la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réinsertion (CNDDR), Alix Fils-Aimé ; l’ancien prisonnier politique Claude Rosiers ; et la militante féministe Nicole Magloire.
Sous le titre "Le Triangle de la mort" (2003), Claude Rosiers a publié un récit de ses dix années passées dans les geôles de François et de Jean-Claude Duvalier, entre 1966 et 1977, alors qu'il était militant du Parti populaire de libération nationale (PPLN), un parti d’inspiration marxiste.
Les quatre plaintes seront instruites par le juge Jean Carves, qui doit prochainement convoquer les plaignants et surtout examiner les pièces attestant des faits reprochés à Jean-Claude Duvalier.
"Des violations généralisées et systématiques des droits fondamentaux"
Depuis le retour de l’ex-dictateur en Haïti, de nombreuses voix se sont élevées pour demander son arrestation, notamment celles d’Amnesty International, du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH-Haïti) ou encore du Centre œcuménique des droits de l’Homme (CEDH) de Haïti.
Hier, des Observateurs haïtiens de France24 exigeaient qu'"il soit jugé pour ses crimes".
Da
ns un communiqué publié mercredi matin, Amnesty International demande à ce que soit traduit en justice "un dirigeant dont les services de sécurité [se sont] livrés à des violations généralisées et systématiques des droits fondamentaux" et aux autorités haïtiennes d’"ouvrir une enquête sur Jean-Claude Duvalier et sur toute autre personne qui se serait rendue responsable de tels crimes, dont certains s’apparentent à des crimes contre l’humanité".
Jointe mercredi par France24.com, Amnesty International explique que la Cour pénale internationale (CPI) ne peut être saisie du cas Duvalier, les faits qui lui sont reprochés étant antérieurs à sa création en 1998.