Au grand dam des autorités qui peinent à les contrôler, les réseaux sociaux sont devenus dans les pays arabes une caisse de résonance des revendications des populations. Au point de reproduire ailleurs le scénario tunisien ?
Il existe au moins un point commun entre les évènements en Algérie, en Égypte et en Tunisie : les internautes ont pris une telle importance que les autorités ont le plus grand mal à contrôler leurs opposants sur les réseaux sociaux.
Facebook intouchable pour les autorités tunisiennes
Selon un classement établi par le site web Kapitalis à partir de données fournies par Internet World Stats, près du tiers des Tunisiens sont connectés à Internet. Ils seraient par ailleurs près de deux millions à être inscrits sur Facebook, soit largement de quoi faire de l’espace virtuel "une caisse de résonance" de la contestation populaire.
itMieux : le célèbre réseau social est devenu un espace intouchable pour les pouvoirs publics. "Même au plus fort des manifestations contre Ben Ali, les autorités n’ont pas osé suspendre Facebook. Cela n’aurait fait que jeter de l’huile sur le feu, remarque Lucie Morillon, responsable du bureau Nouveaux médias à Reporters sans frontières (RSF). Pourtant, jusqu’à ces derniers jours, la Tunisie était le pays de la région où la censure contre Internet était la plus dure", poursuit celle-ci.
Dans les pays voisins, Internet a également pris une importance considérable. En Égypte, pays qui compte le plus d’internautes dans le monde arabe (17 millions), on suit de près la situation tunisienne. Certains se prennent même à rêver d’un scénario identique sur les bords du Nil. Quitte à braver les autorités qui, si elles se livrent à une censure "moins grave" qu’en Tunisie avant la chute de Ben Ali selon RSF, sont tout de même engagées dans une chasse aux blogueurs trop critiques envers le pouvoir.
Sur le Net, les opposants s’appuient sur les coups reçus dans la guerre que leur font les autorités pour amplifier leur mobilisation. Le blogueur égyptien Khaled Saïd est ainsi devenu une figure de proue des mouvements de contestation du pouvoir après qu’il a été battu à mort, en juin 2010, pour avoir diffusé une vidéo dans laquelle des policiers étaient pris en flagrant délit de corruption. Résultat : près de 370 000 "fans" sur sa page de soutien sur Facebook. Sur Facebook toujours, des utilisateurs égyptiens ont, eux, lancé un appel à une manifestation contre le pouvoir en place, mardi 18 janvier. Plus de 40 000 personnes disent vouloir y participer…
"On a changé nos adresses IP"
L’Algérie, elle, compte 5 millions de connectés. Ce lundi, au lendemain d’un week-end de rassemblements contre la vie chère à Alger, Facebook, Twitter et les SMS ont été bloqués par intermittence, fait inhabituel dans le pays.
Contacté par e-mail, un Observateur de FRANCE 24 présent sur place estime que "le gouvernement a peur que les vidéos sur la Tunisie puissent influencer le peuple algérien" qui manifeste lui aussi contre l’État et le coût de la vie. Mais "on a trouvé le moyen de changer nos IP (adresse unique d’une connexion Internet qui permet de retrouver l'ordinateur d'où elle est partie, NDLR)", raconte un autre, qui continue de naviguer anonymement sur la Toile.
La guerre des autorités contre les internautes n’est donc pas terminée… Peut-on, à partir de là, imaginer un scénario à la tunisienne en Algérie ou en Égypte ? Comme le tweete Laila Lalami, romancière marocaine installée aux États-Unis : "S’il vous plaît, arrêtez d’attribuer le renversement de Ben Ali à WikiLeaks, à Twitter ou à YouTube. C’est le peuple tunisien qui l’a fait".
Crédit photo : Sarah Leduc / FRANCE 24