
Le Parlement a adopté un projet de loi qui permet aux tribunaux français de juger des actes de piraterie maritime commis dans le monde entier. Ce texte réintroduit la piraterie dans le droit pénal français, qui en avait été retiré en 2007.
AFP - Le Parlement a définitivement adopté mercredi, après un ultime vote du Sénat, un projet de loi qui devrait permettre à la France de mieux réprimer et juger les actes de piraterie maritime, un phénomène croissant qui touche tous les Etats.
Le projet de loi de "lutte contre la piraterie et d'exercice des pouvoirs de police de l'Etat en mer" a été voté à l'unanimité par les sénateurs lors de cette deuxième lecture. Le Sénat n'ayant pas modifié la version adoptée en première lecture le 25 novembre par les députés, le vote est définitif.
"Plus de 4.000 actes de piraterie ont été recensés au cours des vingt dernières années. En 2009, 159 navires ont subi des attaques, 1.052 marins pris en otage dont 8 ont été tués", a rappelé le rapporteur UMP du texte, André Dulait.
"Il y a actuellement 21 navires et 480 marins en otage", a-t-il ajouté, évoquant une "menace sérieuse à la sécurité de la navigation et à l'approvisionnement".
"90% des individus interceptés sont relâchés et selon un rapport du secrétariat général des Nations Unies, 700 présumés pirates auraient été libérés au cours du 1er semestre 2010", a expliqué Henri de Raincourt (Coopération).
Le texte permet d'adapter la législation française aux conventions internationales dont celle de Montego Bay sur le droit de la mer entrée en vigueur en 1994 et réintroduit la piraterie dans le droit pénal français. La législation qui datait de 1825 avait été abrogée en 2007.
Il donne une plus grande liberté d'action aux forces navales françaises lors d'interventions en haute mer en accordant aux commandants les pouvoirs d'un officier de police judiciaire. Ils pourront contrôler les navires suspects, ordonner l'ouverture du feu et le déroutement, procéder à des saisies, arrêter et déférer des pirates, détruire des embarcations.
A défaut de pouvoir être jugés par un Etat tiers, les pirates pourront l'être par les juridictions françaises.
Le texte reconnaît à celles-ci "une compétence quasi-universelle pour juger des actes de piraterie commis hors de France quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes", lorsque les pirates sont appréhendés par des agents français.
Une force européenne anti-piraterie (Atalante) est déployée depuis deux ans dans l'océan Indien.
La France devait aussi se conformer à l'arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui avait remis en cause la rétention par la marine d'un équipage cambodgien, en raison du statut du parquet français.
Dans les affaires du Ponant et du Carré d'As, les avocats des pirates somaliens avaient également contesté le flou procédural entourant l'arrestation de leurs clients en mer.
Le texte créé donc un régime "sui generis" pour l'arrestation et la consignation de pirates à bord, avec l'intervention dans les 48 heures d'un juge de la liberté.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a récemment mis sur la table des options pour juger les pirates --de la juridiction nationale ou régionale au tribunal international-- et chargé Jack Lang de faire des propositions qu'il doit rendre en janvier.
Michel Boutant (PS) a critiqué l'absence d'avocat dans la procédure et Michelle Demessine (CRC-SPG, communiste et parti de gauche) a estimé que "faute d'éradiquer la misère dans certains pays, la piraterie avait de beaux jours devant elle".
"C'est un message que nous adressons aux pirates à l'heure où 6 Somaliens sont renvoyés devant la Cour d'assises des mineurs de Paris pour la prise d'otage à bord du Carré d'As", s'est félicité André Trillard (UMP).