Reporté à trois reprises, le second tour de l'élection présidentielle guinéenne s'est finalement déroulé dans le calme, ce dimanche. Les électeurs devaient choisir entre Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
Après avoir attendu pendant quatre longs mois, les Guinéens espèrent avoir mis fin, ce dimanche, à un feuilleton électoral commencé le 27 juin dernier. Quelque 4,2 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes à l’occasion du deuxième tour de la première élection présidentielle libre et transparente organisée dans le pays depuis son indépendance, en 1958.
Placé sous très haute surveillance militaire, le vote s'est déroulé dans le calme jusqu’à la fermeture des bureaux de vote, à 18h GMT. Aucun incident majeur n’a été signalé pendant la journée, selon le Malien Siaka Toumani Touré, président par intérim de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui tient cependant à rester prudent tant que les résultats du scrutin n’ont pas été proclamés. "Les opérations se sont bien passées jusqu’à présent. Mais il faut attendre la fin du processus pour pouvoir apprécier la situation", a-t-il expliqué à Pauline Simonet, envoyée spéciale de France 24 à Conakry.
À la mi-journée, un constat similaire avait été dressé par les deux candidats encore en lice. Tandis qu’Alpha Condé, le chef du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), confiait n’avoir relevé que "quelques problèmes" sans réelle gravité dans certains bureaux, Cellou Dalein Diallo, le leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), estimait lui que le vote "se passait bien" "dans l’ensemble" et que "toutes les conditions d'une élection libre et transparente semblaient réunies". Celui-ci a toutefois affirmé qu'"à Kouroussa et Siguiri", deux villes de Haute-Guinée où des attaques contre les Peuls ont eu lieu au mois d’octobre, sa coalition n'avait "pu trouver de représentants pour surveiller les opérations" de vote.
Impatients de participer à un scrutin dont l’organisation est longtemps restée incertaine, les Guinéens se sont pressés dès l’aube dans les différents bureaux de vote du pays. "Il y a eu une forte mobilisation dans toutes les régions, un engouement populaire et une discipline extraordinaires", a déclaré à l’AFP Aziz Diop, secrétaire exécutif du Conseil national des organisations de la société civile de Guinée qui avait réparti 964 observateurs dans tout le pays.
Les résultats attendus au plus tôt mercredi
Arrivé en tête le 27 juin dernier avec un peu plus de 43 % des suffrages exprimés - contre 18 % à Alpha Condé -, Cellou Dalein Diallo aborde ce second tour en position de force, d’autant plus qu’il a enregistré le ralliement de Sidya Touré, le candidat de l’Union des forces républicaines (UFR) arrivé en troisième position au premier tour avec 13 % des voix, le 28 juillet.
Candidat du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), Alpha Condé, qui appartient à l'ethnie malinké, est arrivé en deuxième position au premier tour de scrutin, avec 18,25 % des voix. Opposant historique des deux premiers chefs de l'État guinéen, Sékou Touré (1958-1984) et Lansana Conté (1984-2008), il a déjà participé à deux présidentielles, en 1993 et en 1998. Longtemps exilé en France, incarcéré au lendemain de la présidentielle de 1998, il a été condamné en 2000 à cinq ans de prison pour "atteintes à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national", avant d’être gracié en 2001.
Leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, issu de l'ethnie peule, est arrivé en tête du premier tour, le 27 juin, recueillant 43,62 % des suffrages. Premier ministre de décembre 2004 à avril 2006, il fut, pendant de longues années, un cacique du Parti de l’unité et du progrès (PUP) de l'ancien président Lansana Conté, avant de rejoindre l’opposition. Considéré comme l’un des principaux opposants à l'ex-chef de la junte Moussa Dadis Camara, il fut grièvement blessé lors du massacre du 28 septembre 2009 à Conakry, dans lequel plus de 150 personnes ont trouvé la mort.
"Les jeux sont loin d’être faits, il s’agit aujourd’hui d’une nouvelle élection dont les résultats pourraient être beaucoup plus serrés que ce que laissent entendre ceux du premier tour", tempèrent toutefois plusieurs observateurs de la scène politique guinéenne. "Il s’est passé beaucoup de choses ces quatre derniers mois. Alpha Condé, en particulier, a fait une bonne campagne : il s’est rendu dans plusieurs régions du pays, obtenant le ralliement de candidats appartenant à des ethnies différentes de la sienne. Le leader du RPG espère en outre empocher les voix des abstentionnistes. Au premier tour, 50 % des électeurs n’avaient pas voté", reprend Pauline Simonet.
L’entre-deux-tours a également été marqué par trois reports successifs du second tour de scrutin – qui aurait dû initialement se dérouler le 18 juillet, puis le 19 septembre, et enfin le 24 octobre –, sur fond d’accusations de fraudes, de luttes d’influence au sein de la Céni, et de tensions ethniques entre Peuls et Malinkés, les ethnies dont sont respectivement issus Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé.
Vendredi cependant, les candidats de l’UFDG et du RPG ont conjointement lancé un appel au calme, invitant "tous les citoyens et citoyennes [de Guinée à accomplir] leur devoir de citoyen dans la paix, le calme et la sérénité", et à faire en sorte que "la journée électorale du 7 novembre ainsi que la période post-électorale [soient] un moment historique de confraternité retrouvée".
"Nous, les militaires (...) sommes résolus à accompagner et enraciner la démocratie", avait solennellement déclaré pour sa part le général Sékouba Konaté, président de la transition depuis dix mois, avant d’appeler de nouveau à "la paix" et à "l'unité nationale", ce dimanche.
Les résultats provisoires du scrutin devraient être révélés entre mercredi et vendredi par la Céni.