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Le gouvernement a confirmé mercredi son intention de réfléchir à une réforme de la fiscalité. En ligne de mire : le bouclier fiscal et l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Une vieille rengaine de la droite française.

C’est l’histoire du bouclier qui cache le controversé impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Lorsque le ministre du Budget, François Baroin, reconnaît que le "bouclier fiscal est devenu symbole de l’injustice" sur France Inter mercredi, d’aucuns entendront derrière ses paroles la voix de ceux qui veulent en profiter pour faire supprimer l’ISF.

Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, a reconnu, mercredi, que le président de la République avait "donné son accord sur le principe" pour une réforme de la fiscalité qui pourrait aboutir à la suppression conjointe du bouclier fiscal et de l’impôt sur la fortune. Lors du débat sur le budget 2011, une centaine de députés UMP avait tenté, en vain, d’introduire un amendement visant à supprimer l’ISF.

Cet impôt concerne aujourd’hui 559 000 contribuables et permet à l’État de récolter 3,2 milliards d’euros pas an. Pour y être soumis, il faut avoir un patrimoine imposable d’au moins 790 000 euros. La suppression de cet impôt est une vielle rengaine dans le débat politique français.

Spécificité française

En fait, dès son instauration en 1981 à l'initiative de la gauche, sous l'appellation d’impôt sur la grande fortune, il est brocardé par l’opposition et qualifié d’impôt idéologique. En 1987, le gouvernement Chirac le supprime, mais il revient en 1989 sous sa dénomination actuelle. Depuis lors, l’ISF tient bon. Pour combien de temps encore ?

"Le débat sur l’ISF revient à se demander s’il faut ou non imposer le patrimoine en plus des revenus", rappelle Guillaume Allègre, économiste spécialiste de la fiscalité à l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE). L’ISF est en effet une spécificité française. La plupart des pays ne prennent pas ou peu en compte le patrimoine, notamment financier, dans leur imposition.

Cet isolement fiscal français est à la base de la critique du principe de cet impôt. Puisque ailleurs l’herbe est plus verte pour les contribuables les plus fortunés, ils devraient, selon les détracteurs, se délocaliser fiscalement afin de ne plus payer d’impôt en France. La Cour des comptes a ainsi estimé dans un rapport en 2009 que l’ISF génère "des bases d'imposition étroites, des exonérations croissantes qui le dénaturent et des taux élevés qui rendent cet impôt mal supporté".

Les détracteurs de cet impôt pointent également du doigt ses incohérences. Il ne concerne pas uniquement les plus riches, et la bulle immobilière le prouverait. L’exemple classique s'applique au logement, reçu en héritage par un simple cadre, dont la valeur a explosé avec la hausse des prix. Il se retrouverait du jour au lendemain soumis à l’ISF sans avoir les moyens de le régler.

Logement maudit

Mais les défenseurs de cet impôt persistent et signent. L’exode fiscal ne serait qu’un mini-phénomène. "Les sommes versées par an au titre de l’ISF ne représentent que 0,03 % du patrimoine global des Français qui s’élève à 9 195 milliards d’euros", souligne Guillaume Allègre. "Jamais depuis la Belle Époque (1900-1910) les patrimoines ne se sont aussi bien portés en France", ajoute l’économiste de gauche Thomas Piketty dans Libération, mardi. Quand au logement maudit qui plomberait le cadre moyen, il n’est pas fréquent. "L’ISF prévoit un abattement de 30 % sur la résidence principale, il faut donc que la valeur de ce logement dépasse 1 millions d’euros, ce n’est pas rien", précise Guillaume Allègre.

Surtout l’opportunité d’une telle réforme peut étonner. Thomas Piketty s’emporte ainsi : "Faire un chèque de 3 milliards aux 2 % des Français les plus riches, alors même que tout le monde se demande comment l’État va rembourser ses dettes, il fallait y penser".

Le gouvernement justifie sa démarche par une "convergence" avec le système fiscal allemand. Outre-Rhin, il n’y a en effet pas d’impôt sur la fortune. Mais, la taxe foncière y est bien plus élevée. Une hypothèse que le gouvernement n’a pour l’instant pas évoquée.