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Mahmoud Abbas est-il encore légitime pour négocier au nom des Palestiniens ?

Sans mandat présidentiel depuis fin 2008, Mahmoud Abbas participe pourtant aux négociations de paix pour le Proche-Orient. Car s'il est en perte de crédibilité auprès des Palestiniens, il reste un acteur incontournable sur la scène internationale.

La légitimité de Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne dont le mandat a pris fin il y a dix-huit mois, semble de plus en plus contestée parmi les Palestiniens. "Certes, si on regarde les institutions, il n’est plus légitime, commente Jean-Paul Chagnollaud, professeur de sciences-politique et spécialiste de la question palestinienne. Mais il reste le chef de l’Organisation de libération de la Palestine [OLP]".

Pour rappel, le 17 décembre dernier, l'OLP a prolongé les mandats du président Mahmoud Abbas et du Parlement palestinien jusqu'à la tenue de nouvelles élections, afin d'éviter une crise politique et institutionnelle. Mais cette situation ne fait pas que des heureux au sein de la population palestinienne.

Le véritable porte-parole des Palestiniens ?

"Mahmoud Abbas est président, alors qu’il n’a plus de mandat présidentiel. De qui est-il donc le porte-parole dans ce cas ? Des Palestiniens ? Cela m’étonnerait", s’interroge Ola Anan, 25 ans, ingénieur en informatique sur Al-Jazeera, dans des propos traduits relayés sur Info-Palestine.net. "Une démocratie ne se réduit pas à Abbas qui prend les décisions tout seul. C’est aux Palestiniens qu’il appartient de décider des questions de ce genre, pas à Abbas. Nous rejetons ces négociations, c’est bidon et cela ne mène nulle part", déplore de son côté Nader Nabulsi, 44 ans, commerçant.

Mahmoud Abbas, plus connu sous le nom d’Abou Mazen, est de fait fragilisé sur la scène politique intérieure. Le Hamas remet totalement en question sa légitimité depuis la fin de son mandat, tandis qu'une partie du Fatah doute de la pertinence des négociations. Les deux mouvements sont profondément divisés depuis la guerre pour la conquête de la bande de Gaza en 2007, ce qui a nui à la cause palestinienne et a affaibli Mahmoud Abbas à l'approche des pourparlers de paix. Il est toutefois à noter que les deux organisations ont actuellement repris le dialogue.

"S’il abandonne les négociations, le roi est nu"

Mais Mahmoud Abbas, membre fondateur du Fatah en 1959, reste un acteur-clé dans les négociations de paix avec Israël, car il jouit d’une certaine légitimité internationale. "Il est reconnu à la fois par les États-Unis et les Européens", précise M. Chagnollaud. "Il est respecté, car il participe aux négociations depuis de nombreuses années". Et de poursuivre : "Il n’est pas en train de construire sa carrière politique, il joue pour la paix."

Un avis également partagé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qui avait déclaré, début septembre, lors de la reprise du dialogue de paix direct entre Israéliens et Palestiniens : "Vous êtes mon partenaire pour la paix. Il dépend de nous de vivre l’un à côté de l’autre et l’un avec l’autre."

D’après Jean-Paul Chagnollaud, Mahmoud Abbas pourrait retrouver sa crédibilité auprès de la population palestinienne, grâce à un accord de paix équilibré. "Alors que s’il abandonne les négociations, le roi est nu", a-t-il ajouté. Il n’a donc pas d’autres choix que d’avancer vers un accord a minima qui reposerait sur trois volets : délimiter les frontières d’un État palestinien viable ; définir une partie de Jérusalem-Est comme capitale dudit État ; et trouver une solution acceptable concernant le sort des réfugiés. "Sans cela, sa légitimité, déjà fragile, exploserait."