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"On ne peut pas reprocher aux islamistes pakistanais d’aider !"

Le gouvernement pakistanais est accusé d’inefficacité face aux inondations et certains craignent que les islamistes n’en profitent. Mais, pour Mariam Abou Zahab, spécialiste du pays, la population a plus besoin d’eau potable que de polémiques.

Deux millions et demi de sinistrés et environ 1 500 morts. Selon les dernières estimations, le Pakistan a connu ces derniers jours les pires inondations en 80 ans. Mais l’heure est déjà à la polémique. Dans le nord-ouestdu pays, dévasté, les sinistrés critiquent vivement le gouvernement. "Personne n'est venu nous voir", raconte Mihrajuddin Khan, un instituteur de la vallée de Swat, à Reuters.

Dans le même temps, plusieurs groupes islamistes participent à l’effort d’aide. Résultat : Huma Yusuf, journaliste basée au Pakistan, craint que ces derniers n’en profitent. "Il est très probable qu'ils exploitent l'absence de gouvernance après la tragédie pour alimenter leur recrutement".

"Nous sommes les seuls à fournir de la nourriture aux personnes prises au piège", explique, à Reuters, le porte-parole de la fondation Falah-e-Insaniyat, qui a installé 13 campements d’aide. Celle-ci est soupçonnée d’entretenir des liens avec Jamaat-ud-Dawa, association interdite par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais, pour Mariam Abou Zahab, spécialiste du Pakistan au Centre d'études et de recherches internationales (CERI), ce n’est pas le moment de tergiverser sur l’efficacité du gouvernement et les arrière-pensées supposées des islamistes : la population a besoin d’aide.

FRANCE 24. Les critiques à l’encontre du gouvernement sont-elles justifiées ?

Mariam Abou Zahab. Les gens reprochent à Asif Ali Zardari, le président pakistanais, d’être parti en voyage en Europe dans ce contexte. Mais l’armée pakistanaise a quand même fait beaucoup. Elle a envoyé 30 000 soldats et ses hélicoptères ont secouru des milliers de personnes, et ce alors que le pays est encore en guerre et que l’armée est toujours mobilisée contre les Taliban.

Il faut savoir qu’au Pakistan c’est automatique, dès qu’il y a une catastrophe, les habitants s’en prennent au gouvernement. Il faut les comprendre : ils sont dans une situation de grande détresse, ils ne vont pas dire aux journalistes qui les interrogent que tout va bien. Les secours n’arrivent jamais assez vite, et les habitants veulent mettre la pression pour accélérer les choses.

Évidemment, le gouvernement n’était pas préparé à une catastrophe de cette ampleur, ça n’arrive qu’une fois par siècle.

Craignez-vous que les groupes extrémistes ne profitent de la situation ?

S’ils viennent au secours de la population, on ne va quand même pas le leur reprocher ! Tous ceux qui peuvent se mobiliser le font, ces groupes n’ont pas toujours de mauvaises intentions.

D’autre part, ce n’est pas parce qu’ils apportent de l’aide que ces groupes parviendront à recruter. Et, ce n’est pas parce que les États-Unis envoient de l’alimentation halal que les Pakistanais vont devenir pro-américains !

Surtout, l’heure n’est pas à la polémique. La principale préoccupation pour l’instant, c’est la survie et l’accès à l’eau potable. Mais à plus long terme, ces inondations vont être dramatiques, notamment pour la vallée du Swat qui est très sévèrement touchée.

Quel impact les inondations vont avoir sur cette région ?

Le coût économique va être considérable. C’est une région agricole – les pommes de la vallée du Swat par exemple sont très réputées. Or, les champs et les vergers ont été emportés par les glissements de terrain, idem pour le détail.

Le pire, c’est que cette région avait déjà été lourdement touchée l’an dernier par l’opération militaire et les bombardements contre les Taliban. Deux catastrophes, deux ans de suite, ça fait beaucoup !

La vallée était jadis, avant le conflit avec les Taliban, la région touristique par excellence du Pakistan, pour l’été ou les voyages de noces. Cet été, le gouvernement a fait beaucoup d’efforts pour que les touristes reviennent dans cette très belle région. Mais, les infrastructures routières et les hôtels viennent d’être emportés dans les inondations, et les paysages ont été dégradés.