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Après avoir révélé que certains membres de son parti allaient être accusés d'avoir participé à l'assassinat de Rafic Hariri, le chef du Hezbollah a lancé une campagne de dénigrement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL).

Trois interventions médiatiques en moins de dix jours. Jamais depuis la guerre de 2006 qui avait opposé son parti à l’armée israélienne, le secrétaire général du Hezbollah ne s’était autant exprimé. En ligne de mire de Hassan Nasrallah : le Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Créé en 2007 par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le TSL est notamment chargé de juger les auteurs de l’attentat qui a tué l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, en février 2005.

Et si le leader chiite communique autant, c’est parce que, affirme-t-il, "il y aura un acte d’accusation [délivré par le TSL] qui accusera le Hezbollah". Cette possibilité, reprise à son compte par Nasrallah, est évoquée depuis plusieurs mois par la presse locale et internationale. Dans un premier temps, le crime avait été imputé aux services de renseignements syriens et libanais, notamment par le clan Hariri.

Crainte de nouvelles violences

En attendant la publication de l’acte d’accusation, prévue entre septembre et décembre prochains, la tension monte à Beyrouth. Un leader sunnite, proche de l’Arabie saoudite, assassiné par un puissant parti pro-iranien chiite : la seule évocation de ce scénario fait craindre une nouvelle effusion de sang au Liban. "Les leaders du Hezbollah ont leurs yeux rivés sur la rue qui pourrait être incitée à réagir [contre les chiites], et notamment la rue sunnite, d'où la dissension peut éclater", estimait vendredi Al Akhbar, un quotidien proche du parti chiite.

En mai 2008, des violences interconfessionnelles avaient déjà opposé des partisans sunnites de Saad Hariri, actuel Premier ministre et fils de Rafic Hariri, et ceux du parti chiite. Les combats de rue avait fait une centaine de morts. "On est plus que jamais dans l’ambiance des événements de mai 2008. Nasrallah fait miroiter un danger potentiel de débordements pour dissuader ses adversaires d’avoir recours à la violence", explique Joseph Bahout, politologue spécialiste du Proche-Orient, joint par téléphone à Beyrouth.

Dans un premier discours, le 16 juillet, le chef du parti de Dieu s’est attaqué à la crédibilité de l’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri. "Le Hezbollah est convaincu que son parti, à travers l’accusation potentielle du tribunal, fait face à la deuxième phase de la guerre de 2006 qui l’a opposé aux Israéliens", explique Joseph Bahout.  L’arrestation et l’inculpation pour espionnage en faveur d’Israël de trois agents libanais, travaillant dans une compagnie de téléphonie mobile, a conforté son point de vue. Selon Nasrallah, il est désormais évident que l’État hébreu exerce "un contrôle total" sur les télécommunications du pays du Cèdre. "Tout ce qui est lié aux télécoms mènera à l'enquête", a-t-il déclaré. Nasrallah n’ignore pas que les enquêteurs internationaux avaient collecté des informations après avoir analysé des communications téléphoniques effectuées via des portables le jour de l'assassinat de Hariri.

Le "complot israélien"

Dans un deuxième discours sensiblement plus virulent, Nasrallah a poursuivi sa campagne de décrédibilisation du TSL. "Saad Hariri m'a rendu visite et m'a dit que des membres incontrôlés du Hezbollah seront désignés par l'acte d'accusation", a-t-il déclaré au cours d’une intervention par vidéo-conférence, organisée le 22 juillet. Cette révélation a été démentie le lendemain par des députés proches du clan Hariri. Dénonçant un complot ourdi par Israël "qui vise la Résistance", Nasrallah a affirmé que "tant que l'enquête ne s'est pas penchée sur la piste israélienne, nous considérons qu'elle n'est pas honnête".

Une stratégie de communication complétée le 25 juillet, par une troisième intervention dans laquelle il a martelé le même message : "Nous sommes une partie contre laquelle on fabrique une accusation [...] il y a un grand complot qui se prépare contre le Liban et contre la Résistance". Le leader chiite, qui a une nouvelle fois mis en doute l’impartialité de l’enquête internationale, a appelé la classe politique libanaise à soutenir son parti. "Nasrallah mène une guerre médiatique en anticipant l’acte d’accusation du TSL, alors même que l’on ignore son contenu. Son but est que sa version des faits soit acceptée par l’opinion en installant le doute dans son esprit. Et c’est ce qui est en train de se passer en ce moment à Beyrouth", conclut Jospeh Bahout. La guerre médiatique n’est pas près de s’arrêter : Hassan Nasrallah s’exprimera une nouvelle fois le 4 août...