
Le projet d’ériger une mosquée près de Ground Zero, à Manhattan, a mis en lumière la ligne de fracture existant entre la liberté de culte en vigueur aux États-Unis et le traumatisme provoqué par les attaques du 11 septembre 2001.
Le projet de construction d’un centre islamique avec une mosquée près de Ground Zero, à Manhattan, a déclenché une tempête de réactions de la part de politiciens, blogueurs et parents de victimes des attentats du 11 septembre.
La polémique suscitée par le projet a mis en évidence la ligne de fracture existant entre la sacro-sainte liberté de culte en vigueur aux États-Unis et la lutte pour effacer le traumatisme provoqué par les attaques du 11 septembre 2001.
Baptisé la "Mosquée de Ground Zero", d'après le site où se dressaient les tours jumelles du World Trade Center, le projet comprendra un centre culturel musulman de 13 étages et une salle de prière. Il s’agit du projet phare de Feisal Abdul Rauf, un imam basé à Manhattan, qui affirme que le but du centre est de rapprocher les musulmans des autres groupes religieux.
Symbole de tolérance ou "coup de poignard dans le cœur" ?
Le bâtiment qui abritera le futur centre a été construit en 1858. Il est fermé depuis qu’il a subi des dommages lors des attentats du 11 septembre. Les détracteurs du projet affirment que l’édifice devrait être classé comme étant "historique" et le conserver en l’état. Les voix dissonantes de ceux qui s’y opposent font beaucoup de bruit, qu’il s’agisse de celles de personnalités politiques, d'écrivains ou encore de familles des personnes décédées dans les attentats du 11 septembre. Beaucoup de ceux qui se sont exprimés ont décrit la construction d'une mosquée près d'un site où des milliers d'Américains ont été tués par des extrémistes musulmans comme étant de mauvais goût et insultante pour les victimes du World Trade Center, ainsi que pour leurs proches.
L'opinion publique de New York, une ville considérée comme l'une des plus libérales des États-Unis, semble en accord avec cette position, puisque les sondages effectués jusqu’ici montrent qu’une petite majorité de résidents s’oppose au projet.
Le concept a néamoins remporté un large soutien lors des réunions du conseil de quartier en mai, lorsqu’il a été présenté en détail : en plus de l'espace culturel, le complexe de 100 millions de dollars comprendra un auditorium, des salles de réunion, des espaces d'exposition, une librairie, une piscine et une cafétéria. Les promoteurs, qui ont défendu le projet, ont déclaré que le centre serait un symbole de tolérance religieuse face à l'extrémisme. Plusieurs groupes religieux et œcuméniques de New York ont également apporté leur approbation au projet.
Les politiques s’immiscent dans le débat
À quelques mois des élections du mid-term, prévues en novembre, les hommes politiques, républicains et démocrates, se sont immiscés dans le débat, s'affrontant pour savoir si la question de la liberté de culte était en cause. Cette dernière est un droit sacré aux États-Unis où elle est protégée par le premier amendement de la Constitution, qui empêche le gouvernement fédéral d’entraver le libre exercice de la religion.
L’ancien gouverneur de l'Alaska, Sarah Palin, a lancé un appel sur son compte Twitter demandant aux "musulmans pacifiques" de rejeter le centre musulman, qu’elle a défini comme un "coup de poignard dans le cœur". Le maire de New York, Michael Bloomberg, a pour sa part déclaré que les appels à arrêter le projet étaient contraires à la liberté de culte."Le gouvernement ne devrait jamais, jamais se permettre de dire aux gens comment ils doivent prier et où ils doivent prier", a-t-il dit.
La controverse a également fait irruption dans les débats qui opposent les candidats au poste de gouverneur de l'État de New York. Le candidat républicain, Rick Lazio, a ainsi demandé l’ouverture d’une enquête sur le financement du projet et ses éventuelles connexions avec des groupes extrémistes. Une réclamation rejetée par le candidat démocrate Andrew Cuomon au nom de la liberté de culte.
Blogueurs et éditorialistes montent au créneau
De leurs côtés, les blogueurs politiques et les éditorialistes ont également donné leur avis sur la question. Un article de Stephen Schwartz publié dans le magazine conservateur The Weekly Standard prétend que des liens relient notamment l’imam Rauf et son épouse au Hamas. L’auteur et journaliste Robert Wright, qui blogue pour le New York Times, a critiqué le "maccarthysme" de Schwartz, suggérant que s’opposer au centre ne ferait que soutenir le slogan de Ben Laden, selon lequel, "l'Amérique a déclaré la guerre à l'islam".
Dans une interview accordée à France24.com, le blogueur Rich Boatti affirme que : "lorsque nous commençons à dire aux gens où ils peuvent et où ils ne peuvent pas avoir leurs lieux de prière, nous nous rapprochons du modèle prôné par l'Arabie saoudite pour nous éloigner de celui des États-Unis".