
Mis en difficulté lors de la séance de questions au gouvernement, Éric Woerth, qui doit mener la réforme des retraites, a reçu un soutien appuyé de François Fillon. Ce dernier a évoqué un procès instruit sur des rumeurs.
AFP - Le ministre du Travail, Eric Woerth, confronté à une vague montante d'accusations de conflit d'intérêts dans l'affaire Bettencourt, a exclu mardi de démissionner et a reçu le soutien appuyé de François Fillon qui a fustigé des "calomnies" et des "rumeurs".
Signe de l'importance qu'accorde l'exécutif à cette polémique, le chef du gouvernement est descendu dans l'arène pour défendre son ministre, qui porte la réforme des retraites.
Devant les députés, et dans une ambiance surchauffée, François Fillon a dénoncé "un long cortège de dénonciations anonymes, de calomnies, de corbeaux, de petits calculs politiques" et un "procès instruit sur des rumeurs".
"Depuis le début de ma vie publique, je me suis interdit de hurler avec les loups", "je n'ai jamais accepté de jeter aux chiens l'honneur d'un homme", a ajouté le Premier ministre. Une allusion aux propos qu'avait tenus François Mitterrand en 1993 lors des obsèques de Pierre Bérégovoy, qui s'était suicidé après avoir été mis en cause dans une affaire de prêt d'argent.
"La démocratie s'égare sur le chemin des règlements de comptes", a poursuivi François Fillon, sur un ton très offensif, avant d'assurer qu'Eric Woerth gardait "toute" sa "confiance".
Le ministre du Travail a lui-même exclu de démissionner, dénonçant une attaque "immonde" et "ignoble", tandis que ses collègues du gouvernement Chantal Jouanno ou Laurent Wauquiez ont évoqué une "politique de caniveau".
Le ministre est au coeur d'une polémique de plus en plus violente après la révélation la semaine dernière par le site Mediapart d'enregistrements clandestins où reviennent son nom et celui de son épouse, salariée depuis 2007 de la société Clymène qui gère la fortune de Liliane Bettencourt.
Les conversations, enregistrées dans l'hôtel particulier où vit l'unique héritière de L'Oréal, suggèrent également de possibles fraudes fiscales dans la gestion de sa fortune (10,1 milliards d'euros). Une situation que la milliardaire s'est engagée à régulariser. Elle a aussi décidé d'assigner Mediapart : rendez-vous au tribunal jeudi matin.
Eric Woerth, qui a occupé le poste de ministre du Budget (mai 2007-mars 2010) et à ce titre a été chargé de la lutte contre l'évasion fiscale, a lui-même annoncé lundi que son épouse quitterait ses fonctions "dans les prochains jours".
Les révélations "ne m'autorisent pas à rester", a confirmé Florence Woerth, dans un entretien à Europe 1, niant avoir eu connaissance des soupçons d'évasion fiscale.
Mais les voix dénonçant l'existence d'un conflit d'intérêts ne se sont pas tues.
La démission de Mme Woerth "est peut être la preuve qu'(elle) ne se sent pas si vertueuse que cela" et "le fait que Mme Bettencourt ait rapatrié ses avoirs est la preuve que cette affaire mériterait quelques investigations", a déclaré le député Arnaud Montebourg, le plus offensif au PS dans cette affaire. "Un procureur de pacotille", a protesté Eric Woerth.
Dans la soirée le Bureau national (direction) du PS a demandé à Nicolas Sarkozy de "faire toute la lumière", jugeant "urgent de mettre fin aux doutes", notamment sur les dons reçus de Mme Bettencourt par l'UMP, dont Eric Woerth est le trésorier.
Des critiques ont émané également de la majorité. Pour le député UMP Jean-Pierre Grand (villepiniste), l'entrée de Mme Woerth chez Clymène "veut dire que Mme Bettencourt avait embauché le ministre du Budget". François Sauvadet (Nouveau centre) a jugé que la question du conflit d'intérêts "se pose" dans cette affaire.