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Le Frankeinstein hongrois peine à réveiller une Croisette fatiguée

, envoyé spécial à Cannes – L'avant-dernière œuvre en compétition, "Un garçon fragile - The Frankenstein Project" de l'Hongrois Kornél Mundruczó, est un exercice de style séduisant. Mais le film peine à sortir les festivaliers de leur torpeur.

Le soleil de la Croisette a beau briller de tous ses feux, les journalistes qui font la queue pour la prochaine projection de presse font grise mine et ont les yeux rougis. Ils s’apprêtent à visionner l’avant-dernier film en compétition : "Un garçon fragile - The Frankenstein Project", un film hongrois réalisé par Kornél Mundruczó. Une poignée de spectateurs grognons quittent la salle avant la fin du film. Le générique de fin ne s'est pas encore déroulé que des huées montent ça et là dans le public. Autant d’indices qui ne trompent pas : la fatigue de Cannes se fait sentir et le mal pourrait bien être incurable.

Autant dire qu'avec ce succès plus que mitigé, le film hongrois ne figure pas parmi les favoris de la compétition officielle. Cette réinterprétation moderne du roman gothique de Mary Shelley met en scène une version adolescente du monstre. Ici, un jeune homme retourne à Budapest après un séjour dans une sorte d’institution et se retrouve mêlé à un réseau de meurtriers comprenant sa mère acariâtre, un mystérieux réalisateur de films et une jeune fille à qui le héros déclare soudainement sa flamme.

Catastrophe imminente

En fait, cette description rendrait le film un peu plus excitant que ce qu’il n’est en réalité. L’action n’explose pas, elle se consume lentement : Mundruczó fait usage de beaucoup d’humour (les scènes de casting du film sont hilarantes) et le travail visuel est abouti (l’immeuble qui sert de décor à la plupart des scènes est un labyrinthe étouffant de couloirs humides, de parapets déjetés et couverts de neige). Il en résulte une perpétuelle atmosphère de catastrophe imminente.

Rudolf Frecska, acteur encore inconnu qui interprète l’adolescent brutal et laconique dont il est fait référence dans le titre, campe admirablement son personnage. Avec son regard d’écorché sous des sourcils toujours relevés, il fait un lourdaud plein d’âme.

Pendant près d’une heure, Munruczó, déjà en compétition en 2008 avec le film "Delta", réussit contre toute attente à donner des allures de nouveauté à une histoire bien connue. Pour autant, ceux qui s’attendent à voir le film cristalliser une certaine vision de l’adolescence ou de l’obsession créatrice en sortiront perplexes.

Une grande bande-annonce

À mesure que les cadavres s’empilent, s’affirment le style bondissant et le sens de la narration du réalisateur : chaque meurtre est adroitement mis en scène et dans le droit fil du récit.

Mais le film dans son ensemble ne donne pas beaucoup plus à se mettre sous la dent qu’une seule et grande bande-annonce. L'exercice de style macabre est assez séduisant - et pourra interpeller sans doute au moins l’un des membres du jury, Tim Burton - mais il ne va nulle part et n’a pas grand-chose à raconter.

Autrement dit, il n'y a rien de ce que pouvaient attendre, après deux semaines passées à Cannes, des festivaliers épuisés par une enfilade de projections souvent décevantes.