Plusieurs économistes de renom tentent d'avertir l'opinion publique que le plan de sauvetage européen décidé lors du sommet de Bruxelles ne marquent pas la fin de la crise de la zone euro. Points de vue.
Depuis l’adoption du plan de sauvetage de la zone euro, lors du sommet de Bruxelles du 8 et 9 mai, les responsables politiques répètent que l’Europe est sur la bonne voie. La crise débutée avec l’effondrement économique grec serait en voie de résolution. La ministre française de l’Économie, Christine Lagarde a évoqué une "solution consolidée, cohérente et déterminée" au sujet de la création du Fond européen de stabilité. Le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero a qualifié les mesures prises de "solution exceptionnelle" et même le président américain Barack Obama a délivré un satisfécit aux Européens.
Pourtant, tout le monde ne se sent pas prêt à repeindre la situation en rose. Et parmi les Cassandres se trouvent plusieurs économistes de renom. Petit voyage au royaume des adversaires des adeptes de la méthode Coué.
Simon Johnson, ancien directeur du département des études du Fonds monétaire international (FMI) : Sur le très populaire blog économique The Baseline Scenario, cet économiste regrette que les pays européens aient autant tardé à créer un fond de stabilité. Simon Johnson rappelle que cette idée traînait pourtant depuis plus d’un an et que lui et deux autres économistes avaient alors suggéré de le doter de 2 trillions [million de milliards] d’euros. On est bien loin des 60 milliards débloqués lors du sommet de Bruxelles. Surtout qu’il ne s’agit que d’une partie de ce qu’il faudrait faire explique-t-il. Et de conclure qu’en l’état actuel, le système économique de la zone euro est toujours malade et qu’à la prochaine crise, il faudra de nouveau procéder à des ajustements précipités.
Yves Smith (Financier et auteur du blog Naked Capitalism) : Pour ce vieux routier du système financier – il y travaille depuis 25 ans – les près d’un trillions d’euros d’aides promis par les pays européens ressemblent d’avantage à "une réorganisation des tables à bord du Titanic" qu’à un plan à long terme. Il regrette par-dessus tout l’absence de véritable engagement de la part de la Banque centrale européenne. Yves Smith explique que les États seront les principaux bailleurs de fond, ce qui les obligera au final à répercuter le coût du plan sur leur contribuable. Ce qui n’aiderait pas à relancer la consommation.
Sethaput Suthiwart-narueput (économiste en chef de la première banque thaïlandaise) : Pour cet économiste, la crise actuelle de la zone euro ressemble à de nombreux égards à celle qui a ébranlé les principales économies émergentes asiatiques en 1997. Dettes souveraines galopantes, spéculations et aide financière en catastrophe : les ingrédients seraient bel et bien là. Comme alors, l’argent débloqué par les pays européens arrive, pour Sethaput Suthiwart-narueput, trop tard et risque de ne pas être suffisant pour restaurer à long terme la confiance des marchés. Il recommande aux dirigeants de prendre leur courage à deux mains pour entamer une réforme forcément impopulaire politiquement du système économique européen dans son ensemble.
David Roche (économiste, auteur de "Sovereign DisCredit") : Dans le Financial Times, cet économiste assène que le plan européen "ne résout pas la crise" de la zone euro. Rien que ça ? Il explique, en effet, que tous ces fonds de secours débloqués ne font qu'ajouter de la dette à la dette. Pour David Roche, la dette souveraine des pays constitue la principale menace à moyen et long terme pour l’économie mondiale. Au lieu d’améliorer la situation, le plan de sauvetage décidé à Bruxelles n’aurait donc fait qu’aggraver les choses.