Les Nations unies ont ouvert, samedi, à 20 km de Port-au-Prince, leur premier camp destiné à accueillir les victimes du séisme. Aménagé avec l'aide de l'armée américaine, le site doit accueillir 8 000 personnes dans l'immédiat.
AFP - Assises sous une tente militaire, elles contemplent inquiètes le terrain sablonneux. "Y'a plein de poussière, y'a rien", dit Johanna, en découvrant avec sa mère et ses deux soeurs le premier camp de déplacés ouvert samedi par l'ONU en Haïti. Leur nouveau domicile.
De leur cabane de bâches, elles ont apporté un barbecue, deux sacs de jutes pleins de vêtements, des bananes, deux bidons et un baluchon arrangé avec une couverture. Sans oublier la lampe à pétrole qu'Yphessante, la chef de famille, a placée précieusement dans son sac à main.
C'est tout ce qu'elles ont pu sauver de leur maison détruite par le tremblement de terre du 12 janvier.
Réfugiée depuis la catastrophe au golf de Pétion-Ville, sur les hauteurs de Port-au-Prince, la famille Archiles était en danger, comme environ 7.500 personnes de ce camp de quelque 50.000 sinistrés, l'un des sept de la capitale dévastée jugés à hauts-risques par l'ONU.
Leur abri de fortune avait été érigé dans une zone susceptible d'être emportée par des coulées de boues ou de subir un glissement de terrain.
N'ayant nulle part où aller, elles ont accepté de partir à 20 km au nord de la ville, là où les Nations unies et l'armée américaine viennent d'aménager un camp capable d'accueillir 8.000 personnes dans l'immédiat, 250.000 si besoin.
Mais à leur descente du bus, les Haïtiennes sont inquiètes. "C'est la première fois que des gens vont vivre ici. Comment va-t-on travailler ?", s'interroge la fille aînée, Eunite Pierre-Paul, 23 ans, esthéticienne avant le séisme. Sa mère elle est marchande de légumes.
Mis à part le nom du camp, "Corail", rien n'est coloré sur le site. Hormis quelque abris de fortunes installés par des familles ayant fui le bidonville de Cité-Soleil, les environs sont déserts. Aucun arbre. Et un sol recouvert de sable.
"C'est pourquoi des engins sont en train de compacter la poussière", explique le Président haïtien René Préval, en pointant des bulldozers et des rouleaux compresseurs en train de déposer et tasser du remblais.
Le chef de l'Etat l'assure: des rues et des infrastructures seront construites. "Une vraie communauté", déclare-t-il.
Pour le moment, seules quelques douches, des latrines et une vingtaine de longues tentes blanches ont été installées. L'école est en travaux.
Dès dimanche, plusieurs centaines de sinistrés du golf, volontaires au départ, rejoindront le site, et ainsi de suite pendant dix jours, dit le major brésilien Yvon Werneck, qui planche sur ce projet depuis un mois.
Tous ceux qui resteront deux semaines recevront 50 dollars.
Venu inspecter les travaux, le général Ken Keen, qui dirige les troupes américaines en Haïti, est interpellé par un habitant du camp faisant face à "Corail".
"Vous devez faire la même chose pour nous. J'ai sept enfants, mais rien pour les nourrir ni pour les envoyer à l'école", dit-t-il au haut-gradé, par l'intermédiaire d'un officier de l'US Navy parlant créole.
"C'est tout à fait légitime. Il faut en parler aux autorités locales. Mais vous devez comprendre que l'on essaie de trouver des solutions pour ceux dont la vie est en danger à Port-au-Prince", explique le général.
Non loin de là des gens prient dans la tente jouxtant celle des Archilles, qui, après avoir découvert leur domicile, ont retrouvé le sourire. "Bienvenu chez nous!", lance Johanna, 18 ans, pendant que sa petite soeur de 8 ans se cache dans la chambre de l'abri de toile.
"Je dois retourner à Delmas (un quartier de la capitale), pour amener des vêtements qui se trouvent dans la maison" écroulée, dit la lycéenne.
L'aînée, elle, attend avec l'impatience la distribution de nourriture. "J'ai faim", répète-t-elle en se tenant le ventre.