Au programme cette semaine : encore et toujours Haïti. Gros plan sur le trafic d'enfants, nouvelle menace après le séisme. Au Chili, vous découvrirez le peuple mapuche, des indigènes qui réclament la restitution de leurs terres ancestrales, et puis enquête sur le drones, ces petits avions sans pilotes, nouvelle arme de guerre des Américains.
Le peuple Mapuche vers l'autodétermination, par Antoine Raux
Les Mapuches - dont le nom signifie "hommes de la terre" - sont le principal groupe ethnique du Chili. Ils représentent plus de 6 % des 17 millions d'habitants et réclament la restitution de terres annexées par l'Etat, à la fin du XIXe siècle.
Temucuicui, paisible communauté de l'Araucania, à 700 kilomètres au sud de Santiago, est considérée comme une zone de conflit par l’État chilien. Il y a 10 ans, le peuple Mapuche, longtemps marginalisé, a sonné son réveil en récupérant une partie de ses terres ancestrales. Le chemin de terre qui mène à la communauté est jonché de guérites et de caméras de surveillance. “Ici, des deux cotés, ce sont des propriétés privées. On doit passer par ces terres qui sont aujourd´hui sous surveillance policière", explique Rodrigo Huenchullan, membre de la communauté autonome de Temucuicu, à bord de son Pickup poursuivi par deux énormes bergers allemands.
Au terme d’une occupation illégale, cette communauté de 120 familles a obligé l’État à racheter près de 2000 hectares que s’était appropriés une entreprise forestière. Et la lutte continue pour récupérer d’autres terres. Mais la loi anti terroriste, héritée de Pinochet, est là pour calmer les ardeurs de l'activisme indigène. «Tous les membres de notre communauté ont connu la prison. Tous savent ce que c’est l’enfermement ou la clandestinité. Tous savent ce que c’est de souffrir”, se désole Jorge Huenchullan, le porte-parole de la communauté.
Au centre de détention de Temuco la capitale régionale, de nombreux militants Mapuche sont incarcérés. Nous avons été autorisé à rencontrer Sergio Tralcal Quidel, un des leaders de la CAM (La Coordinadora Arauco Malleco), le groupe Mapuche le plus radical. Aucune camera ni enregistrement n'a été accepté par la Gendarmerie lors de l’interview. “Nous sommes accusés d’attentats, de tentatives d’homicides. Mais il n’y a jamais eu aucune preuve! À chaque fois nous sommes victimes de montages policiers. Nous sommes des prisonniers politiques”, explique Sergio accompagné de Mauricio Huaiquilao accusé lui d'incendies terroristes.
La redistribution des terres aux indigènes a commencé avec le retour de la démocratie au Chili. Jusque-là, 600 000 hectares ont été dévolus, quand le peuple Mapuche en revendique 6 millions. La plupart sont occupés par des propriétaires terriens ou des sociétés forestières, ce qui explique sans doute la lenteur des transferts. À chaque remise de titres de propriété aux Mapuches, le gouvernement organise une cérémonie en grandes pompes. Discours, petits-fours et présence de tous les hommes politiques locaux voir nationaux en ce temps d'élections. Une mise en lumière pas forcément du goût de tous les ayants droits comme l'explique Gladys Trañalao, en attente d'un héritage de son père depuis deux ans. “C’est un droit, ce n’est pas un cadeau qu’on nous fait. Donc ce genre de cérémonie moi je m’en passerais volontiers. J’aurais préféré quelque chose de plus simple et plus rapide”.
Aucun acte officiel n'a en revanche été réalisé pour la remise des 270 hectares de la ferme de Santa Margarita, ex-propriété de Jorge Luchsinger, un descendant de colon suisse. En août dernier, l’assassinat de Matias Catrileo, un jeune militant de 20 ans, tué d'une balle dans le dos par un policier, a précipité les choses. Ces terres, très convoitées par les proches voisins, ont été offertes à la communauté de Juan Catrilaf, considérée comme violente. Une sorte de compensation pour acheter une paix sociale chaque jour plus précaire. “Le policier qui a tué l’un de nos frères, et bien ils l’ont promu en grade! Alors, avec ce genre de geste, nous, on se sent vraiment d’un autre pays”, explique Alberto Mela, porte-parole de la Communauté Juan Catrilaf.
Le peuple Mapuche revendique aujourd’hui l’autodétermination, la récupération de l'ensemble de son territoire et la libération de leurs "prisonniers politiques". Ils tentent de s'unir au sein d'une nouvelle alliance territoriale pour peser et parler d'égal à égal avec le gouvernement. Mais beaucoup se préparent à un combat encore plus dur depuis que Sebastian Piñera a été élu Président, redoutant que le nouveau gouvernement ne favorise les entreprises exploitant les énormes ressources forestières de leur région.
Émission préparée par Grégory White