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La reconnaissance de l'État palestinien peut-elle affaiblir le Hamas ?
La France, et potentiellement le Royaume-Uni, s'apprêtent à reconnaître un État palestinien dont le Hamas serait exclu. Cette offensive diplomatique peut-elle affaiblir le mouvement islamiste qui administre encore officiellement Gaza ? Décryptage.
Des combattants du Hamas rassemblés sur le site de la remise des otages israéliens au camp de réfugiés de Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, dans le cadre de la septième libération d'otages, le 22 février 2020. © Bashar Taleb, AFP

Reconnaître un État palestinien, dont le Hamas serait exclu, militairement mais aussi politiquement. Tel est le projet désormais officiellement porté par Paris, depuis le jeudi 24 juillet.

Ce jour-là, le président français, Emmanuel Macron, par un message sur X, faisait une annonce claire : la France reconnaîtra officiellement la Palestine en septembre. Un engagement réitéré depuis par la diplomatie française, à New York, lundi 28 et mardi 29 juillet. 

Coprésident une conférence sous l'égide des Nations unies, Paris espérait voir d'autres pays le suivre.

Reconnaître la Palestine, bannir le Hamas

Selon le décompte de l'AFP, sur 193 États membres de l'ONU, 51 - incluant la plupart des pays occidentaux - ne reconnaissent pas l'État palestinien proclamé par la direction palestinienne en exil en 1988.

Mais de l'autre côté de la Manche, un autre géant du G7 pourrait suivre le sillage français. Le Royaume-Uni reconnaîtra l'État de Palestine en septembre, à moins qu'Israël s'engage notamment à un cessez-le-feu à Gaza, annonçait à son tour Keir Starmer, mardi 29 juillet.

Là aussi, l'État palestinien potentiellement reconnu par Londres mettra le Hamas hors-jeu. Le mouvement islamiste ne doit plus "jouer aucun rôle clef à Gaza", et libérer les otages israéliens restant, ajoutait le Premier ministre britannique.

La reconnaissance française s'accompagne de conditions strictes, adressées à l'Autorité palestinienne. Menée par le vieillissant Mahmoud Abbas (89 ans), celle-ci devra se réformer en profondeur, exclure totalement les membres du Hamas de sa propre gouvernance, et accepter la démilitarisation du futur État palestinien.

Une mise à l’écart absolue du parti islamiste, à laquelle les pays de la région appellent eux aussi "pour la première fois", condamnant tant le Hamas que le 7-Octobre" s'est réjoui Jean-Noël Barrot,  le chef de la diplomatie française, dans un entretien accordé à France 24.

"Ces pays expriment de manière claire leur intention d'avoir à l'avenir des relations normalisées avec Israël et de s'insérer aux côtés d'Israël et du futur État de Palestine" a ajouté Jean-Noël Barrot.

Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane, a lui appelé tous les autres États membres à "soutenir” le projet porté par son pays et la France.

Mais pourquoi le Hamas, qui administre encore officiellement la bande de Gaza, accepterait-il d'être exclu du jeu ? "Il n'a pas vraiment le choix", estime Adel Bakawan, directeur du European Institute for Studies on the Middle East and North Africa.

Exsangue, le Hamas déjà hors jeu ?

À Gaza, le mouvement islamiste "a perdu 70 à 80 % de ses infrastructures militaires. Au-delà de l'enclave, son allié, la République islamique d'Iran, elle aussi presque à terre, n'a plus les moyens d'armer ou de financer son protégé palestinien", ajoute l'expert.

La reconnaissance d'un État palestinien affaiblirait aussi la légitimité du combat mené par le Hamas contre Israël, ainsi que son influence au sein de la société palestinienne dans son ensemble, poursuit Adel Bakawan.  "Que revendique le Hamas ? Un État palestinien, dans les frontières 1967 (depuis que le mouvement a amendé sa charte en 2017, NDLR). Or, c'est exactement ce que demande la France".  

Mais "le Hamas, tant qu'il est armé, reste un groupe non seulement terroriste, mais opposé à la paix, opposé à la création des deux États", nuance Frédéric Encel, professeur de géopolitique à Sciences-Po, auteur de “La Guerre mondiale n'aura pas lieu, Les raisons géopolitiques d'espérer, Ed. Odile Jacob” 

“La seule solution crédible”

Fondé à la fin des années 80, le mouvement est issu de la branche armée des Frères musulmans. Ses attentats-suicides contre des civils se sont multipliés tout au long des années 90, à la suite des accords d'Oslo, encourageant les franges extrémistes des deux camps.

Au demeurant, poursuit Frédéric Encel, l'initiative française "s'inscrit dans la seule solution crédible, celle souhaitée par l'ONU depuis des décennies, mais surtout la moins mauvaise solution".

Que peut la diplomatie française - ou britannique - face aux bombes qui pleuvent sur les Gazaouis ?

"Quand bien même 192 des 193 États de l'ONU reconnaîtraient la Palestine, cela ne suffirait pas à infléchir la politique de Netanyahu, qui n'en fait qu'à sa tête, répond Frédéric Encel. Une modification substantielle de la politique de ce gouvernement n'adviendra que dans un scénario : celui où un président américain taperait du poing sur la table."