"Avec cette invasion mal préparée, précipitée, nous avons causé d'énormes souffrances et pertes humaines, et rendu l'Irak plus dangereux", accuse Claire Short devant la commission d'enquête sur l'engagement britannique en Irak.
AFP - Une ancienne ministre de Tony Blair, qui avait démissionné du gouvernement en 2003 pour protester contre la guerre en Irak, a contredit mardi l'affirmation de l'ancien Premier ministre selon laquelle la chute de Saddam Hussein avait rendu le monde plus "sûr".
En témoignant devant la commission d'enquête sur l'engagement britannique en Irak, Clare Short, ancienne ministre chargée du développement international, a estimé que l'invasion de 2003 avait au contraire rendu ce pays "plus dangereux" et permis à Al-Qaïda d'accroître son influence au Proche-Orient.
Tony Blair avait assuré vendredi devant la même commission n'avoir "aucun regret" d'avoir renversé le président irakien Saddam Hussein, disant penser "sincèrement que le monde est plus sûr" sans lui.
"Il n'y a aucun doute qu'avec cette invasion mal préparée, précipitée, non seulement nous avons causé d'énormes souffrances et pertes humaines, mais nous avons rendu l'Irak plus dangereux et instable, et étendu la présence d'Al-Qaïda au Proche-Orient", a contesté Mme Short.
Tony Blair, tout en disant n'avoir jamais considéré que Saddam Hussein était lié à Al-Qaïda, avait également expliqué vendredi que la "perception" pour les occidentaux du risque posé par le dictateur irakien avait radicalement changé après le 11-Septembre.
Mme Short, réputée pour son franc-parler et son indépendance d'esprit, a démonté cette argumentation. "Le récit par Tony Blair de la nécessité d'agir en urgence à cause du 11-Septembre ne résiste pas à l'examen", a-t-elle affirmé.
Elle a expliqué qu'il n'existait aucun indice que Saddam Hussein ait jamais coopéré avec Al-Qaïda, et a estimé que le gouvernement américain avait "trompé" son peuple en mettant en avant la thèse d'un lien entre ses deux ennemis.
Elle a aussi rejeté les allégations du gouvernement britannique, avant la guerre, laissant entendre que le régime irakien développait des armes de destruction massive, en estimant qu'il n'avait "pas les moyens" de développer une arme nucléaire.
Mme Short a de même accusé l'ancien conseiller juridique du gouvernement britannique Peter Goldsmith d'avoir "trompé" le cabinet en décidant que la guerre était légale, même sans deuxième résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
Bien qu'opposée à la guerre, Mme Short avait initialement accepté de rester en poste sur l'insistance de Tony Blair, qui avait souligné son rôle crucial en vue de la reconstruction de l'Irak. Elle avait finalement démissionné en mai 2003, désillusionnée par le manque de préparation pour l'après-invasion.
"Ce que je dis, c'est que nous aurions pu aller plus lentement et plus précautionneusement, et nous n'aurions pas eu un Irak entièrement déstabilisé et en colère, dans lequel est arrivé Al-Qaïda, alors qu'il n'y existait pas auparavant, et ça aurait été plus sûr pour le monde", a repris Mme Short, applaudie par des membres du public présents dans la salle d'audience.