Plein feux sur Mazan. Depuis quelques semaines, la petite bourgade du Vaucluse de 6 000 habitants se retrouve au cœur de l'attention internationale. Les journalistes de la presse anglophone basés à Paris ne parlent que de ça. "Tu es de retour du procès de l'horreur, non ?", ont ainsi demandé des journalistes à leur consœur de la radio publique américaine NPR.
Car depuis l'ouverture du procès des violeurs de Mazan le 2 septembre, les médias internationaux se pressent aussi au tribunal d'Avignon. Parmi la cinquantaine de journalistes qui attend quotidiennement une place dans la salle Voltaire, on trouve les Espagnols de La Sexta (équivalent de M6 en France), une journaliste du New York Times, des reporters du tabloïd britannique The Daily Mail et même les télévisions indienne, mexicaine ou malaisienne.
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Accepter Gérer mes choix"Pour nous, c'était évident d'en parler, on voit que c'est un sujet énorme", estime Catherine Porter, correspondante du New York Times à Paris. "L'article que j'ai écrit sur la prise de parole de Gisèle Pelicot a reçu plus de 900 commentaires, ce qui est énorme chez nous. Le viol touche beaucoup de femmes partout dans le monde, et son souhait de rendre le procès public a été particulièrement salué", ajoute la journaliste. En temps normal, les articles sur la France font rarement la une du prestigieux quotidien américain, mais cette fois-ci, les articles sur les viols de Mazan restent plusieurs heures sur la page d'accueil du site, signe de l'intérêt du sujet pour les lecteurs.
"Raconter cette femme qui se libère de son rôle de victime"
En Allemagne aussi, l'affaire fait couler de l'encre. "La rédaction me demande des articles tous les jours", s'étonne Britta Sandberg, correspondante de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel à Paris. "Quand j'ai vu Gisèle Pelicot et ses avocats, je me suis très vite décidée à raconter cette femme qui se libère de son rôle de victime. C'est un procès qui joue sur la France profonde, les accusés sont des 'M. Tout-le-.Monde', des chômeur, maçon, journaliste, routier. Ce n'est pas le milieu parisien", raconte la journaliste dans un français parfait.
Si les grands titres internationaux ont l'habitude de relayer les affaires de violences sexuelles visant des personnalités, cette fois c'est la France rurale qui est concernée. "Jusqu'à maintenant, la vague MeToo, ça se jouait dans le milieu du cinéma, de la politique. Là, on change de registre, on parle d'une femme 'normale' issue de la classe moyenne, vivant dans un petit village, qui libère la parole et qui décide de montrer ces vidéos. C'est un acte exceptionnel qui donne une autre dimension à cette affaire", décrypte Britta Sandberg.
En Espagne, une affaire qui résonne avec "la meute"
Avec plusieurs journalistes accrédités pour le procès, l'Espagne aussi se passionne pour les viols de Mazan, qui font écho à l'affaire de "la meute". En 2016, cinq hommes avaient été accusés de viol en réunion sur une jeune femme de 18 ans lors des fêtes de Pampelune, avant d'être finalement condamnés à 9 ans de prison pour "abus sexuel", au lieu de 22 ans pour "viol". Le verdict avait fait scandale, des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté pour dénoncer cette décision du tribunal. En 2019, le tribunal suprême espagnol avait finalement revu les peines à 15 ans de prison.
"En Espagne, le mouvement MeToo est très fort, raconte Laeticia Fuentes, journaliste pour la Sexta. Depuis l'affaire de 'la meute' en 2016, la loi sur le consentement sexuel a évolué. Pour nous, voir que dans un pays moderne comme la France des dizaines d'hommes aient commis ces faits pendant 10 ans, c'est choquant. Tout comme lorsque des avocats font une distinction entre 'viol et viol'". La journaliste fait référence à une déclaration de l'avocat de la défense, Guillaume de Palma, qui s'était attiré les foudres du public en sous-entendant qu'un viol "sans l'intention de le commettre" n'en était pas un, pour soulever la notion d'intentionnalité de l'acte.
"Le monstre d'Avignon"
Pour Enric Bonet, journaliste pour le quotidien basque El Correo, cette affaire "intéresse beaucoup plus l'Espagne que le procès de l'attentat du Bataclan", par exemple. Il l'explique par la notion d'intimité qui entoure l'affaire : "D'une part, les sujets liés au féminisme font beaucoup parler en Espagne, d'autre part, ça parle beaucoup de l'intime, je pourrais écrire tous les jours sur le sujet si je le voulais", nous explique-t-il.
Au Royaume-Uni, le Daily Mail n'a pas attendu les outrances de certains avocats de la défense pour écrire sur les viols de Mazan. Trois journalistes du tabloïd se relayent chaque semaine au procès pour en assurer la couverture. Dès 2023, le Daily Mail avait envoyé deux reporters à Mazan pour raconter l'affaire. Le journal a même publié au début du procès les photos des "50 de Mazan".
Depuis, les articles se succèdent dans le tabloïd, parfois avec des titres racoleurs : Dominique Pelicot y est souvent surnommé "Le monstre d'Avignon". "Pour nous, il n'y a pas de doute que c'est un monstre, répond Nick Pisa, reporter au Daily Mail. Chez nous, c'est l'une des actualités les plus suivies de la semaine, on compte des milliers de commentaires sous les articles, et tous nos lecteurs soutiennent Gisèle Pelicot et la félicitent pour son courage."