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Kelly Ortberg, un ingénieur à la carrière irréprochable pour redresser Boeing
Nommé fin juillet pour succéder à Dave Calhoun, Robert K. "Kelly" Ortberg, 64 ans, a pris officiellement jeudi les rênes de l'avionneur Boeing. Ingénieur de formation, ce vétéran respecté de l'aéronautique aura la lourde tâche de reprendre en main Boeing, plombé par des incidents en série et des finances en chute libre.

Il aurait pu continuer à profiter d'une préretraite paisible sous le soleil de Palm Beach, en Floride, mais Kelly Ortberg, 64 ans, a officiellement pris la tête, jeudi 8 août, des 170 000 salariés de l'avionneur américain Boeing, embourbé dans des scandales de contrôle qualité à répétition et des problèmes de production.

"Félicitations, Kelly Ortberg. Vous venez de décrocher le meilleur et le pire job de l'Amérique des affaires. En tant que prochain PDG de Boeing, Ortberg prend la tête d'une institution américaine autrefois puissante, qui se morfond dans une ère dominée par des salopards", résume CNN Business dans un article au vitriol sur les anciens dirigeants du groupe.

De son côté, Kelly Ortberg a indiqué dans un communiqué être "extrêmement honoré et fier de rejoindre cette entreprise emblématique". "Il y a beaucoup de travail à faire et j'ai hâte de commencer", a-t-il sobrement commenté.

Nommé fin juillet alors que le constructeur annonçait une perte trimestrielle de 1,44 milliard de dollars (environ 1,32 milliards d'euros), Robert K. "Kelly" Ortberg succède à Dave Calhoun en tant que directeur général. Ce dernier avait annoncé sa démission en mars, emporté par la crise que traverse Boeing depuis de longs mois.

Deux accidents meurtriers du 737 Max en 2018 et 2019 avaient déjà plongé l'entreprise dans la tourmente, mais une porte arrachée en plein vol en janvier et d'autres incidents ont fini par ternir la réputation de l'avionneur, actuellement visé par seize actions de l'Administration fédérale de l'aviation (FAA) américaine.

Autant dire que la tâche s'annonce colossale pour le nouveau patron, qui va devoir jouer les équilibristes pour rétablir la confiance des clients, des actionnaires et des régulateurs tout en redressant les finances de l'entreprise qui n'a livré que 175 avions au premier semestre, soit 34 % de moins que l'an dernier sur la même période.

Un profil rassurant

Pour de nombreux analystes du secteur aéronautique, Kelly Ortberg semble l'homme qui tombe à pic pour Boeing. Diplômé en ingénierie mécanique de l’Université de l’Iowa, il séduit par son profil technique au moment où l'avionneur fait face à d'immenses difficultés de qualité de production.

Après le mandat du financier Dave Calhoun, accusé par ses détracteurs de se focaliser sur les profits au détriment de la sécurité et du bien-être des passagers, le parcours d'ingénieur de Kelly Ortberg envoie le message d'un retour aux fondamentaux pour le constructeur.

"Nous considérons Kelly Ortberg comme un atout pour Boeing", ont indiqué dans une note les experts de Melius Research, un cabinet indépendant.

"Il s'agit d'un recrutement bénéfique étant donné son expérience dans l'industrie et dans la gestion d'un important fournisseur" aéronautique, a renchéri Angelo Zino, de CFRA Research.

Entre expertise technique et vision stratégique, Kelly Ortberg jouit d'une réputation d'homme de terrain dans le secteur aéronautique. Celui qui a commencé sa carrière à Texas Instruments en 1983 a ensuite gravi tous les échelons chez Rockwell Collins, un industriel américain spécialisé dans l'avionique et les systèmes de pilote automatique, dont il devient le PDG en 2013.

Cinq ans plus tard, il supervise la fusion avec United Technologies Corporation. Une opération évaluée à 23 milliards de dollars (environ 21 milliards d'euros) qui donne naissance au géant de l'aéronautique Collins Aerospace.

Même l'un des critiques les plus virulents de Boeing, Robert Clifford, avocat des familles des victimes du crash du 737 Max, semble voir cette nomination d'un bon œil, soulignant sa "bonne réputation" et le fait qu'il ne sorte pas des rangs de Boeing. Un préalable indispensable, selon les experts, pour insuffler une nouvelle culture d'entreprise.

Capitaine en pleine tempête

Parmi les dossiers qui attendent le nouveau pilote de Boeing, le plus urgent est sans nul doute celui de la qualité de la production. Le groupe a élaboré une feuille de route, exigée par le régulateur – la FAA –, pour redresser la barre. Boeing prévoit également de racheter Spirit AeroSystems, un fournisseur crucial auquel il avait donné son indépendance en 2005. L'opération à 4,7 milliards de dollars (environ 4,3 milliards d'euros), annoncée début juillet, doit être finalisée mi-2025.

Autre gros morceau à gérer pour Kelly Ortberg : la procédure de plaider-coupable dans le volet pénal lié aux crashes de 2018 et 2019 annoncé le 24 juillet, qui attend la décision du juge, et les poursuites civiles. Mais les problèmes de Boeing ne se limitent pas au 737 Max. La société connaît également des turbulences dans le domaine de la défense. Exemple avec le programme du ravitailleur aérien KC-46 Pegasus marqué par des retards et des problèmes techniques récurrents.

Côté aérospatial, son vaisseau Starliner, qui a effectué son premier vol habité, a rencontré des complications après s'être amarré à la Station spatiale internationale (ISS), laissant ses deux astronautes sur le carreau. Ils pourraient rentrer grâce à la navette du concurrent SpaceX. Une énième humiliation pour le deuxième avionneur mondial.

Boeing a aussi annoncé des pertes supplémentaires dans son programme de livraison de deux nouveaux jets 747 qui seront utilisés comme avions Air Force One par le président des États-Unis.

Comme si cela ne suffisait pas, une grève menace l'entreprise en septembre si aucun accord n'est trouvé sur l'entrée en vigueur d'une convention collective. Mais là encore, Kelly Ortberg a marqué des points auprès des salariés en annonçant son installation à Seattle, berceau de l'entreprise où se trouvent les chaînes d'assemblage du 737, l'avion vedette du constructeur, et du 777.

Le syndicat IAM District 751, qui représente plus de 30 000 employés de Boeing dans la région de Seattle, a estimé que la présence du nouveau patron "près du cœur économique du groupe" était "un pas dans la bonne direction".

Des débuts encourageants pour Kelly Ortberg dont les premiers mois seront scrutés à la loupe par les médias et le monde des affaires. S'il parvenait à redresser Boeing, il entrerait directement au panthéon des grands patrons de l'industrie aéronautique. Ne dit-on pas que c'est dans la tempête que l'on reconnaît les vrais capitaines ?

Avec AFP