
C'était le conte de fées de ce Roland-Garros. Alors qu'elle a été naturalisée française en mai 2023, Varvara Gracheva s'est retrouvée dans la peau de la porteuse des derniers espoirs tricolores lors de l'Open de France avant de tomber face à  Mirra Andreeva en huitièmes de finale (7-5, 6-2).
"Allez Varvara !". D'un bout à l'autre de son duel face à la Russe, la Française a pu compter pleinement sur le soutien de ses nouveaux compatriotes lundi 3 juin. À l'annonce de son nom, à l'échauffement, sur ses premiers points et même sur les balles de match de son adversaire, les supporters n'avaient de voix que pour elle.
Allez Varvara !
Varvara Gracheva affronte Mirra Andreeva pour une place en quarts de finale. #RolandGarros pic.twitter.com/nuT16pzXhM
Est-ce le supplément d'âme du soutien du public ? Dans un premier set mal embarqué après avoir concédé son 4e jeu de service, Varvara Gracheva a trouvé la force d'annuler ce break dans la foulée sous les vivats de la foule. Mais quelques instants plus tard, elle doit concéder le set.
Malgré les encouragements sans faille des tribunes, Varvara Gracheva a pu mesurer l'écart qui séparait encore une 88e mondiale d'une 38e. Cinquante places au classement WTA qui se sont vues lors du deuxième set, facilement tombé dans l'escarcelle de la Russe.
Un duel fratricide entre deux amies
Pour les deux joueuses, ce match sur le Suzanne-Lenglen était particulier : outre leur nationalité d'origine commune, les deux tenniswomen sont amies depuis qu'elles se sont côtoyées sur les courts du côté de Cannes.
"Je la connais bien. On s’est entraîné ensemble pendant deux ans, donc c’est une amie", assurait Mirra Andreeva avant le match. "Maintenant, la plupart des moments partagés restent des souvenirs d’entraînement. Elle est Française désormais donc tout le monde va la soutenir et ce sera difficile pour moi."
Sur le terrain, les deux femmes ne se sont pas faits de cadeaux et ont confirmé que tennis et boxe sont des disciplines voisines et que les JO 2024 ont eu raison de les placer ensemble porte d'Auteuil cet été.
Si à l'issue de ce match perdu par KO, Varvara Gracheva doit retourner à ses études qu'importe ! Pour la joueuse française, ce premier Roland-Garros en tant que "locale" était déjà réussie : elle a rallié son premier huitième de finale de Grand Chelem et conquis le public.Â
Française depuis 2023
Née en 2000, dans la banlieue de Moscou, Varvera Gracheva a débarque en France à l'âge de 16 ans en posant ses valises dans l'académie Elite Tennis Center de Cannes en 2016.
Le directeur du centre, Jean-René Lisnard, la prend sous son aile et développpe avec elle une "relation filiale". C'est aussi lui qui l'enjoint à demander la nationalité française dès qu'elle en a eu l'opportunité après cinq ans de résidence.
Lorsque l'invasion de l'Ukraine par la Russie débute en février 2022, les démarches administratives sont déjà lancées. Elles finissent par aboutir positivement grâce à l’aide de la Fédération française de tennis le 25 mai 2023. Elle entame son premier tournoi sous le drapeau tricolore en juin 2023 à Bad Homburg.
Dans la foulée, elle est sélectionnée par Julien Bennetteau pour disputer la Billie Jean King avec l'équipe de France. C'est à cette occasion qu'elle se fait un devoir d'apprendre la Marseillaisse.
La reconnaissance du public
Une chanson qui lui a procuré des émotions particulières comme l'a illustré son 3e tour contre la Roumaine Irina-Camelia Begu (7-5, 6-3). A la fin de son match, le public entonne spontanément la Marseillaisse et elle l'a chanté sur le court, tout à son émotion.
Grosse ovation puis Marseillaise pour Varvara Gracheva, très émue, sur le Suzanne-Lenglen après sa qualification en huitièmes de finale de #rolandgarros pour la première fois de sa carrière. Elle a battu Irina-Camelia Begu en deux sets (7-5, 6-3). pic.twitter.com/rjq5h93lZJ
— Sasha Beckermann (@SashaBeckermann) June 1, 2024Un chant patriotique comme symbole de son adoption par la France. Il faut dire que le public tricolore, sevré de résultats à Roland-Garros depuis des années, ne demandait qu'une étincelle pour s'enflammer. Et la jeune tenniswoman s'est appliqué à séduire.
Elle a changé de style sur les courts. Exit la joueuse colérique et fermée qui change d'entraîneur comme de raquette, Varvera Gracheva s'essaie au sourire en jouant. " À l’origine, je suis quelqu’un de triste, énervée et sérieuse, c’est l’école russe", explique-t-elle à RMC. Désormais place donc à une joueuse plus lumineuse qui cherche le "fun".
Et ça marche : d'entrée de jeu à Roland-Garros, elle a fait tomber la Grecque Maria Sakkari, tête de série et ancienne demi-finaliste porte d'Auteuil.
Ajouter à ces performances sportives des louanges pour les merveilles de son pays d'adoption à longueur d'interview et la communion avec le public ne pouvait qu'arriver :  "Le vin, le fromage, le champagne, c’est la vie", rigole-t-elle souvent.
La bonne nouvelle, c'est que le public français devrait profiter encore un moment du caviar Gracheva. Ses performances à Roland-Garros lui ont permis de rafler in extremis sa place dans l'équipe de France pour les Jeux olympiques. De quoi lui offrir encore quelques Marseillaise inoubliables et de prolonger encore son rêve bleu.