En raison de la situation carcérale en France, l’Observatoire international des prisons (OIP) a jugé qu’il était temps de frapper fort. En atteste sa dernière campagne de communication...
D’abord lancée fin décembre dans les médias, elle s’affiche aujourd’hui dans les rues. On peut y voir un homme derrière des barreaux et lire : "Si ça peut vous aider à donner, dites vous que cet homme est un chien."
"Forcer les gens à s’arrêter et à y penser"
Cette campagne détonne d’autant plus que, comme indiqué sur son site Internet, l’OIP a "rarement dérogé à son mode de communication". Ses campagnes habituelles font état de faits concrets, dénoncent la violation des droits de l'Homme pour ce qui est de la règlementation des prisons.
Mais ce n’est pas la première opération coup de poing de l’Organisation. En 1996 déjà, une autre affiche avait fait couler beaucoup d’encre. On pouvait y lire :" Pour passer du vol au crime, il suffit de passer par la prison." L’OIP s’en prenait à un autre préjugé qui assimile la prison à une "école de la récidive". Les retombées avaient alors été négatives pour la section française de l’Organisation, tout juste fondée : "Des lettres d’injures et des coups de téléphone anonymes. Une véritable douche froide pour une organisation qui venait d’obtenir un statut consultatif auprès de l’ONU", avoue l’OIP aujourd’hui.
"Provoquer pour provoquer ne nous intéresse pas"
Quatorze ans après, l’OIP récidive. C’est à l’Agence H que l’OIP a confié cette campagne. Contacté par France 24, Thomas Reichlin-Meldegg, directeur de création à l’Agence H et concepteur de l’affiche, explique la genèse du projet.
"Cette campagne a vraiment pour but premier d’appeler aux dons", affirme-t-il d’emblée. "Provoquer pour provoquer ne nous intéresse ni nous ni l’OIP", déclare-t-il encore. "On a voulu trouver un moyen de continuer à susciter la réflexion tout en forçant les gens à s’arrêter et à y penser."
L’analogie animalière sur laquelle repose le message et qui choque est "née d’un double constat". D’une part, "beaucoup de prisonniers en France se sentent traités comme des animaux et la situation ne s’améliore pas", explique-t-il.
Par ailleurs, selon l’OIP, l’assimilation du prisonnier à un animal se veut "délibérément provocatrice" et "bien évidemment réactive à la rhétorique sécuritaire qui, stigmatisant certains auteurs d’infractions par l’usage de termes comme 'monstres' ou 'prédateurs', sous-tend qu’ils perdent leur qualité d’être humain".
Loin de faire référence à toute autre campagne d’appel aux dons, notamment d’associations de défense des animaux comme on pourrait le croire à première vue, l’image du chien a été utilisée car, selon Thomas Reichlin-Meldegg, "un animal en cage a toujours suscité la compassion". Le but est de "jouer sur l’émotion à la fois pour appeler aux dons et faire réfléchir aux préjugés qu’on à tous", ajoute-t-il.
La prison : punir ou "réparer" ?
Présidente depuis peu de l’OIP, Florence Aubenas, journaliste et ex-otage en Irak, déplore la situation des prisons françaises. Elle dénonce aussi les préjugés tenaces qui font que l’on ne voit en la prison qu’une punition que les détenus auraient bien méritée. "Quand on porte atteinte à la dignité des gens, ils sortent plus abîmés qu’ils n’y sont entrés", estime-t-elle sur l’antenne de France 24. "Quelqu’un qu’on répare en prison et non pas qu’on abîme ressortira avec moins de violence et c’est mieux pour la société", explique-t-elle encore.
Organisme indépendant, l’OIP repose, pour son financement, en grande partie sur les dons. S’il n’existe pas encore d’évaluation chiffrée des effets de la campagne en termes de dons, l’OIP dit néanmoins avoir reçu de nombreuses lettres de soutien.
Selon une étude de l'Institut national d'études démographiques (Ined) publiée à la mi-décembre, la France détient le taux de suicides en prison le plus élevé de l'Europe des Quinze (20 suicides pour 10 000 détenus, moyenne annuelle entre 2002 et 2006). Des nouveaux chiffres, annoncés lundi par le ministère de la justice, démontrent une augmentation du nombre de suicides en prison en 2009. Ils se montent à 115 contre 109 en 2008.