
Captures d'écran de comptes pro-AES en ligne qui ont diffusé de fausses informations afin de faire croire à la mobilisation de la population béninoise pour les putschistes ayant réalisé un coup d'Etat le 7 décembre. © Montage Les Observateurs
Le peuple béninois serait-il descendu dans la rue en soutien des putschistes au lendemain de la tentative de coup d'Etat? C'est en tout cas ce que déclarait le compte "La Voix de l'AES", dans une publication sur sa page Facebook le 8 décembre, vidéo à l'appui.
La séquence en question montrait des manifestants, dans une rue survolée par un hélicoptère dans les airs, accompagnée du commentaire : "Le peuple béninois tient bon, debout et invincible".
Problème : cette vidéo n'a pas été tournée à Cotonou, mais à Nairobi au Kenya lors d'une manifestation en hommage à la mort de l'homme politique Raila Odinga en octobre 2025, comme l'a démontré la cellule Info Verif de RFI, qui a retrouvé une photo du même événement sur le site de l'agence de presse Reuters.

L'AES n'a pas officiellement réagi…contrairement à ses comptes de soutien
La tentative de coup d'Etat a été déjouée en quelques heures par le pouvoir béninois, aidé des armées nigériane et française. Le soir-même, le président béninois Patrice Talon déclarait que la situation était "sous contrôle".
Officiellement, les autorités du Mali, du Niger et du Burkina Faso n’ont pas commenté la tentative de coup d'État survenue à Cotonou, comme l'a rapporté RFI le 10 décembre.
Mais en ligne, plusieurs comptes de soutien à l'Alliance des Etats du Sahel - alliance régionale comprenant les juntes du Mali, du Niger et du Burkina Faso - ont diffusé de nombreux messages pour semer le doute, n'hésitant pas à diffuser informations trompeuses et intox au sujet de cette tentative de coup d'Etat menée par le lieutenant-colonel Pascal Tigri.
Vidéos anciennes, images décontextualisées de tirs : à l’instar de la page "La Voix de l'AES", suivie par plus de 170 000 abonnés sur Facebook et qui met d'ordinaire en avant au quotidien l'actualité des juntes de l'AES, ces comptes, présents sur plusieurs plateformes comme Facebook et X ont cherché à faire croire au succès de la tentative de putsch menée par les militaires béninois dès les premières heures.
D'anciennes vidéos de manifestation
Plusieurs vidéos de manifestations ont notamment été détournées. "Urgent : les populations sont sorties massivement ce matin pour défendre leurs liberté et leur souveraineté" (sic), a affirmé le compte Facebook "Légion AES", partageant une vidéo de manifestations censée se tenir au Bénin.
Mais notre rédaction a retrouvé une occurrence de cette séquence datant d'octobre 2025 sur TikTok, à partir du nom de compte TikTok visible sur la vidéo. Ce compte a diffusé plusieurs vidéos de cette manifestation tenue en octobre, très certainement au Cameroun où de violentes manifestations post électorales avaient lieu, et non au Bénin après le 7 décembre.

Cette vidéo a également été partagée par d'autres acteurs pro-AES comme "AES Alerte" sur sa chaîne Telegram. Cette page, présente sur plusieurs plateformes - elle compte plus de 300 000 abonnés sur X - fait partie des principaux comptes qui ont soutenu la tentative de coup d'État dès le premier jour.
Anciennement appelée Histoires d'Afrique (comme le montre l'onglet "Transparence de la Page" sur Facebook), et déjà épinglée par notre rédaction pour de fausses informations sur l'actualité régionale (comme ici), elle a posté à plusieurs reprises des images décontextualisées présentées comme étant filmées au Bénin.
Sur sa chaîne Telegram, le compte a par exemple partagé des images décontextualisées d'une manifestation tenue en Tanzanie fin octobre 2025, affirmant qu'elle avait été prise lors du coup d'Etat à Cotonou (voir ci-dessous).

Intox sur l'armée française
En plus de partager des informations trompeuses en soutien aux putschistes, cette galaxie de comptes pro-AES a également dénoncé le rôle joué par la France pour aider l'armée béninoise, en collaboration avec le Nigeria, à faire échec au coup d'Etat.
Le 9 décembre, la présidence française a déclaré avoir appuyé "en termes de surveillance, d'observation et de soutien logistique" le pouvoir béninois. Le colonel béninois Dieudonné Djimon Tévoédjrè a également déclaré le 10 décembre à l'AFP que des forces spéciales françaises étaient intervenues en appui de l'armée béninoise.
Dénonçant l'aide militaire française au Bénin, certains comptes pro-AES ont également poussé de fausses informations sur ces opérations, affirmant par exemple qu'un aéronef français aurait été abattu. Une affirmation soutenue notamment par le compte aux 135 000 abonnés "Conseil de l'AES", uniquement sur la base d'une photo décontextualisée d'un hélicoptère détruit.
Une recherche d'image inversée permet en effet de retrouver cette image d'un hélicoptère russe de l'armée syrienne détruit par les rebelles en 2013, sur le site de l'agence de presse Reuters.

Soutien à Pascal Tigri
Au-delà de ces intox, tous ces comptes ont pris fait et cause pour la tentative de coup d'État dès les premières heures. "L’ère des marionnettes touche à sa fin. Le peuple reprend le pouvoir", a par exemple déclaré le compte “AES Alerte” le jour du putsch manqué, mettant en avant le "nouvel homme fort du pays, le Colonel TIGRI".
La plupart de ces comptes ont par ailleurs tenté de faire croire dans les jours qui ont suivi à la poursuite du coup d'Etat. "La situation toujours sous contrôle du leader du peuple : le lieutenant-colonel Pascal Tigri !" a notamment soutenu le compte "Conseil de l'AES", malgré les informations qui indiquaient l'échec du putsch depuis la veille.
Ce soutien marqué des comptes pro-AES fait écho à la manière dont les juntes actuellement au pouvoir au Niger, au Burkina Faso et au Mali sont arrivées au pouvoir : par un coup d'Etat.
Selon Jeune Afrique qui cite les autorités béninoises, l’auteur de la tentative de coup d’État aurait réussi à s'enfuir du pays et à trouver refuge dans une capitale d'un pays voisin, sans précision toutefois sur l'identité de ce pays à ce jour.
