
Des soldats fidèles au Conseil de transition du Sud (STC), mouvement séparatiste yéménite, montent la garde devant l'enceinte du palais présidentiel à Aden, au Yémen, le 9 décembre 2025. © Fawaz Salman, Reuters
Un groupe séparatiste a pris le contrôle d'une région riche en pétrole dans le sud du Yémen, brisant le calme relatif qui régnait dans ce pays tourmenté par une guerre civile sans issue. Un événement important pour ce pays du Moyen-Orient situé le long d'une route commerciale stratégique et qui menace d’engendrer de nouveaux risques dans la région du golfe Persique.
Le Conseil de transition du Sud (STC), soutenu par les Émirats arabes unis et qui veut rétablir un Yémen du Sud indépendant, s'est emparé en décembre de la plupart des provinces de l'Hadramaout et de Mahra, y compris des installations pétrolières.
Le Yémen est enlisé depuis plus d'une décennie dans une guerre civile qui implique des interactions complexes entre les griefs sectaires et l'implication des puissances régionales. Les Houthis, alignés sur l'Iran, contrôlent les régions les plus peuplées du pays ainsi que la capitale Sanaa. Parallèlement, une coalition régionale informelle de puissances, dont l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis font partis, soutient le gouvernement internationalement reconnu de Rashad al-Alimi.
La guerre a provoqué une crise humanitaire et détruit l'économie. Cependant, depuis 2022, les violences ont progressivement diminué. Les deux camps étant parvenus à une sorte d'impasse dans le conflit. Cette décision des séparatistes, soutenue par les Émirats arabes unis, bouleverse l'accord politique entre les partenaires anti-houthis.
Le groupe le plus puissant du sud du Yémen
La guerre au Yémen a commencé en 2014, lorsque les Houthis ont quitté le bastion nordique de Saada. Ils ont pris la capitale, Sanaa, et contraint le gouvernement à l'exil. L'année suivante, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis sont entrées en guerre afin de rétablir le gouvernement.
Les nouveaux combats opposent le STC aux forces du gouvernement internationalement reconnu avec ses tribus alliées. Pourtant, dans le cadre de la guerre civile, ils font tous deux partie du camp qui lutte contre les rebelles houtistes.
Le STC est le groupe le plus puissant du sud du Yémen, bénéficiant d'un soutien financier et militaire crucial de la part des Émirats arabes unis. Il a été créé en avril 2017 en tant qu'organisation parapluie pour les groupes qui cherchent à rétablir le Yémen du Sud en tant qu'État indépendant, comme il l'était entre 1967 et 1990.
Les dernières actions ont renforcé les positions du STC dans tout le sud du Yémen, ce qui pourrait leur donner un avantage dans les futures négociations visant à régler le conflit. Le STC exige depuis longtemps que tout accord permette au sud du Yémen un droit à l’auto-détermination. De plus, le STC bénéficie de la loyauté d'une grande partie du sud du Yémen. Il est présidé par Aidarous al-Zubaidi, qui est également vice-président du Conseil présidentiel de direction, l'organe dirigeant du gouvernement internationalement reconnu.
Le STC et d'autres groupes soutenus par les Émirats arabes unis contrôlent désormais la majeure partie du sud du Yémen, y compris des villes portuaires et des îles stratégiques.
Prises des principales installations pétrolières d’Hadramout
L'autre partie impliquée dans les derniers combats est l'armée yéménite, qui relève du gouvernement internationalement reconnu. Elle est alliée à l'Alliance de l'Hadramaout, une coalition tribale locale soutenue par l'Arabie saoudite. Ces forces sont concentrées dans la plus grande province du Yémen, l'Hadramaout, qui s'étend du golfe d'Aden, au sud, jusqu'à la frontière avec l'Arabie saoudite, au nord. Cette province riche en pétrole est une source majeure de carburant pour les régions méridionales du Yémen.
Début décembre, les forces du STC ont marché sur l'Hadramaout après de brefs affrontements avec les forces gouvernementales et leurs alliés tribaux. Ils ont pris le contrôle des principales installations de la province, notamment PetroMasila, la plus grande compagnie pétrolière du Yémen.
Peu de temps avant, fin novembre, l'Alliance tribale de l'Hadramaout s'était emparée de PetroMasila afin de faire pression sur le gouvernement pour qu'il accepte ses demandes visant à obtenir une plus grande part des revenus pétroliers et améliorer les services pour les habitants de l'Hadramaout.
Le STC aurait saisi cette occasion comme prétexte pour prendre le contrôle d'Hadramout et de ses installations pétrolières dans le but d'étendre les zones sous son contrôle au Yémen.
Une "stratégie de repositionnement"
Les forces du STC ont ensuite marché sur la province de Mahra, à la frontière avec Oman, et pris le contrôle d'un poste-frontière entre les deux pays. Elles ont également pris le contrôle du palais présidentiel à Aden qui sert de siège au Conseil présidentiel au pouvoir.
Un responsable du gouvernement yéménite a déclaré que des troupes saoudiennes s’étaient retirées des bases situées à Aden au début du mois de décembre. Un retrait qui s'inscrit dans le cadre d'une "stratégie de repositionnement" de l'Arabie saoudite, a poursuivi le responsable qui s'est exprimé sous couvert d'anonymat pour discuter de cette question.
Depuis, l'Arabie saoudite a envoyé une délégation dans l'Hadramaout pour rencontrer le gouverneur de la province et d'autres dirigeants politiques et tribaux afin d'apaiser les tensions. Le général de division Mohammed al-Qahtani, président de la délégation saoudienne, a déclaré dans une vidéo que son gouvernement "rejetait toute tentative d'imposer un fait accompli" à l'Hadramaout.
Cette escalade a brisé le calme relatif qui régnait dans la guerre civile au Yémen. Ces dernières années, le pays était dans l'impasse. Les Houthis ont conclu un accord avec l'Arabie saoudite, mettant fin à leurs attaques contre le royaume en échange de l'arrêt des frappes menées par l'Arabie saoudite sur leurs territoires.
Ahmed Nagi, analyste senior pour le Yémen à l'International Crisis Group (ICG), a déclaré que l'Arabie saoudite semblait "profondément mécontente" de la dernière initiative du STC. "Le groupe est allé au-delà des accords conclus sous l'égide de l'Arabie saoudite", a-t-il précisé. "Les Émirats arabes unis semblent être les principaux gagnants, renforçant leur influence dans la crise yéménite"
De leur côté, les Émirats arabes unis ont insisté sur le fait que leur approche était conforme à l'objectif de l'Arabie saoudite de "soutenir un processus politique" visant à régler le conflit multiforme au Yémen. Ils ont déclaré que la gouvernance et l'intégrité territoriale du pays étaient "une question qui devait être déterminée par les parties yéménites elles-mêmes".
Avec AP
