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La double-casquette du nouveau patron d'EDF crée la polémique

Malgré la promesse de la ministre de l'Économie Christine Lagarde, Henri Proglio, le nouveau patron d'EDF, cumulera bien deux fonctions et deux salaires en 2010. Une double-casquette qui fait des vagues...

Henri Proglio est un patron heureux : le nouveau PDG d’EDF, qui préside également le conseil d’administration de Veolia, touchera en 2010 une double rémunération pour ses deux casquettes. Soit 1,6 million d’euros versés par l’électricien public (+ 45 % par rapport à son prédécesseur), et quelque 450 000 euros par la multinationale française.

130 fois le salaire moyen en France

Moins que le montant de ses émoluments cependant - deux millions d’euros par an au total -, c’est le cumul des tâches et des rémunérations d'Henri Proglio qui soulève la polémique. Ainsi que la marche arrière enclenchée par la ministre de l’Économie...

Le 5 novembre 2009, Christine Lagarde, auditionnée par le Sénat sur ce curieux mélange des genres - Henri Proglio est le premier patron français à cumuler des fonctions dans une entreprise publique et dans un groupe privé -, assurait en effet que M. Proglio ne cumulerait pas les rémunérations.

Las, alors que le conseil d’administration de Veolia Environnement (anciennement Vivendi) lui accordait à la mi-décembre 450 000 euros de rémunération annuelle, celui d’EDF devrait, jeudi, lui en octroyer 1,6 million, dont 600 000 sous forme de primes s'il remplit les objectifs qui lui ont été fixés. À titre de comparaison, Henri Proglio a touché 1,6 million d'euros chez Véolia en 2008.  La même année, son prédécesseur à EDF, Pierre Gadonneix, avait empoché 1,1 million d'euros.

Entre cumul des responsabilités et soupçons de mensonge de la part de Bercy, la majorité tente de défendre ce double salaire. Mais il n’en fallait pas plus pour que l'opposition lance la polémique. Le député socialiste Arnaud Montebourg dénonce ainsi "un conflit d'intérêts qui est condamnable et qui pourrait être regardé par la justice" ; l’ancien Premier ministre Michel Rocard parle, lui, "d’une économie de la cupidité qui n’est plus moralement vendable aux électeurs", tandis que la secrétaire national des Verts, Cécile Duflot, propose un plafonnement des revenus à 40 fois le revenu médian des Français. Au total, les 2,05 millions d'euros que devrait toucher Henri Proglio correspondent à 130 fois le salaire médian d'une personne seule, fixé à 15 780 euros.

La main de l’Élysée

Christine Lagarde avait donc bien du mal, mardi, à justifier le "coût double" d’Henri Proglio, expliquant que son salaire chez EDF a été fixé afin qu’il conserve peu ou prou la rémunération qu'il avait chez Veolia (1,6 million d’euros en 2008), opérant un subtil distinguo entre "cumul rémunérationnel" et "cumul opérationnel". En clair, selon Bercy, Henri Proglio consacrera "peu de son temps" à Véolia et sera à "100 % de son temps chez EDF". Une autre promesse qui peut sembler difficile à croire, car même si Henri Proglio ne disposera pas de pouvoirs exécutifs chez Veolia, il a cédé son fauteuil à un fidèle, Antoine Frérot, et beaucoup le voient mal lâcher les rênes d’une entreprise dans laquelle il a passé 39 ans et qu’il pilotait depuis 2003.

Si nombreux sont ceux qui accusent la ministre de l’Économie d’avoir menti au sujet du cumul des rémunérations d’Henri Proglio, il semble toutefois que le passage en force soit le fait de l’Élysée. Le patron d’EDF y est en odeur de sainteté depuis son ralliement à Nicolas Sarkozy en 2006 mais aussi grâce au lobbying opéré par son amie et ex-collaboratrice Rachida Dati, l'ancienne ministre de la Justice. Lui qui avait négocié directement avec l’Élysée sa nomination à la tête d'EDF -  posant comme condition la conservation de sa rémunération - semble donc avoir obtenu de la présidence ce que Bercy lui refusait, et forcé Christine Lagarde à avaler une couleuvre.

Pour faire bonne figure, Veolia a tenu à préciser mercredi qu’Henri Proglio a "renoncé à ses jetons de présence" liés à sa présence à son conseil d'administration et qu'il "ne bénéficiera pas de rémunération variable". D’autres voix précisent que ce salaire de plus de deux millions d’euros reste très inférieur à la moyenne de ceux perçus par les grands patrons français. Celle-ci atteignait 3,6 millions d’euros par an en 2008, selon un rapport de la société de conseil Proxinvest publié en décembre dernier. À titre d’exemple, le PDG du groupe Lagardère a touché 13,2 millions d’euros en 2008, et Bernard Arnault, patron de LVMH, près de 17 millions d’euros.

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