La vérification en bref : 

• Une image montrent la Une de Charlie Hebdo du 13 mars attribuée au caricaturiste Riss ferait mention de l'intox transphobe selon laquelle la Première dame française Brigitte Macron est un homme.

• Cette Une est un montage : la Une du 13 mars publiée par Charlie Hebdo et la maquette globale du journal s'avère différente. Ce dessin n'est par ailleurs visible sur aucune autre Une antérieure.

• Cette fausse information refait surface après avoir été poussée par une partie de l'extrême-droite américaine, et notamment par la commentatrice proche de Donald Trump Candace Owens.

La vérification en détails :

"Charlie Hebdo s’est joint à la persécution de l’épouse de #Macron, que tout le monde qualifie de transgenre", déclare un compte sur X (ex-Twitter), dans un message publié le 13 mars et vu plus de 200 000 fois. 

Comme d'autres comptes en ligne proches de l'extrême-droite américaine, ce compte intitulé "Manu.Thor", dont la photo de profil représente un Donald Trump en super-héros, a partagé une prétendue Une de Charlie Hebdo. Sur cette couverture, Brigitte Macron est caricaturée en homme aux côtés de son mari et président de la République Emmanuel Macron. 

Sauf que cette Une, supposément publiée le 13 mars comme indiqué en bas à droite, n'a jamais été diffusée par Charlie Hebdo. Une simple recherche sur le site du journal montre que la Une produite par le journal satirique cette semaine n'a rien à voir, tant sur la caricature de Une que sur les titres en bandeau.

La date de publication, d'ordinaire indiquée au-dessus du dessin de Une, ne figure par ailleurs pas au bon endroit sur le montage. Comme le montre le site de Charlie Hebdo, ce dessin en figure sur aucune Une de l'hebdomadaire. 

Certains des titres en bandeau visibles sur le montage ont de leur côté été pris à d'autres éditions, dont celui intitulé "Arcachon : Le long exil des marins sénégalais", publié dans le numéro du 6 mars. 

Le journal lui-même a retweeté sur son compte X le 14 mars un post dénonçant cette fausse Une. 

Une intox qui circule depuis 2021 en France…

Cette intox n'est pas récente : elle circule en réalité depuis fin 2021, comme l'ont documenté plusieurs médias comme Libération ou l'AFP. Cette fausse information, publiée pour la première fois dans le média français confidentiel "Faits et Documents", prétend que Brigitte Macron s'appelait à l'origine Jean-Michel Trogneux - Trogneux étant bien son nom de jeune fille. Elle transitionné après ses 30 ans.

A l'époque, l'intox avait été relayée par de nombreux comptes anti-macronistes proches de l'extrême-droite en France.

Mais depuis mi-mars 2024, cette fausse information circule aussi à l'international. La fausse Une de Charlie Hebdo a notamment été diffusée sur X par un compte hispanophone, dont le post a été vu près de 500 000 fois. Comme beaucoup des comptes qui ont partagé cette fausse couverture, le compte hispanophone partage de nombreux contenus pro-Trump sur l'actualité américaine.

…et désormais relayée par l'extrême-droite américaine

Le 11 mars, cette théorie transphobe a été aussi reprise à son compte par la commentatrice Candace Owens, une figure de l'extrême-droite américaine proche de Donald Trump. Dans son émission diffusée sur le média ultra-conservateur en ligne américain The Daily Wire, la présentatrice aux près de cinq millions d'abonnés sur X a déclaré qu’il pourrait s’agir du "plus gros scandale politique de l'histoire". 

"Je miserais toute ma réputation professionnelle sur le fait que Brigitte Macron est en fait un homme", a-t-elle poursuivi le lendemain, dans un post partagé sur X et vu plus de sept millions de fois.

Cette émission a redonné un élan en ligne à cette théorie transphobe, aux États-Unis comme en France, où de nombreux comptes ont repris ces allégations, sur Tiktok ou Facebook.

La portée de cette intox a poussé le président de la République Emmanuel Macron à s'exprimer sur le sujet le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Interrogé sur les attaques sexistes entourant sa femme, ce dernier a dénoncé "les fausses informations et les scénarios montés avec des gens qui finissent par y croire et vous bousculent dans votre intimité". 

Ce n'est pas la première fois que des fausses Unes de Charlie Hebdo, journal désormais mondialement connu à la suite de l'attentat visant sa rédaction en janvier 2015, sont relayées en ligne. 

En 2022, le média avait notamment dénoncé de fausses couvertures diffusées sur la messagerie Telegram par des comptes pro-russes pour "faire croire au soutien [du] journal envers Poutine".