![La contestation anti-Assad s’intensifie à Soueïda après la mort d’un manifestant La contestation anti-Assad s’intensifie à Soueïda après la mort d’un manifestant](/data/posts/2024/03/01/1709314264_La-contestation-anti-Assad-s-intensifie-a-Soueida-apres-la-mort-d-un-manifestant.png)
Plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux permettent de reconstituer l’intégralité de l’incident.
عشرات من المواطنين والمواطنات يجتمعون أمام مركز التسويات "صالة السابع من نيسان" في مدينة #السويداء رداً على احتمال طرح مشروع تسوية للمتظاهرين في المحافظة.. pic.twitter.com/PZ12DhD0g4
— راصد السويداء (@alrasd_sy) February 28, 2024Le site d’informations Suwayda 24 a publié une vidéo sur X (anciennement Twitter) où on voit un groupe de manifestants s’introduire dans un “centre de régulation”, mis en place par le gouvernement syrien pour permettre aux réfractaires du service militaire de se régulariser.
#شاهد: كاميرا السويداء 24 توثق لحظات اطلاق النار من قوات الأمن لتفريق المتظاهرين في مدينة السويداء، مما أدى لمقتل أحد المتظاهرين وإصابة متظاهر آخر بجروح، اليوم الاربعاء. pic.twitter.com/FJU4j5jOKG
— السويداء 24 (@suwayda24) February 28, 2024Les manifestants criaient “La Syrie est à nous, pas à la famille d’Al-Assad” et “Liberté malgré Assad!” avant que la tension ne monte et que des soldats ne commencent à tirer dans l’air. Ils ont renouvelé leurs tirs au moins huit fois pour disperser la foule.
A 3’35, on entend un nouveau tir et certains manifestants se mettent à assister deux blessés, d’autres à s’éloigner de la zone après avoir été touchés. On voit à la fin de la vidéo un homme légèrement blessé évacué par des manifestants.
Des manifestants ont aussi détruit des affiches du président syrien Bachar Al-Assad ainsi que celle de son père de Hafez.
أكثر من نصف سنة وما تزال السويداء تنظف شوارعها من القاذورات
مشاهد مبهجة من عملية التنظيف اليوم pic.twitter.com/nHPmw8pee5
Une autre vidéo de la même scène, filmée d’un autre angle et vérifiée par notre rédaction, montre Jawad El-Barouki, l’un des deux blessés, évacué en titubant. Selon plusieurs sources, il a succombé à ses blessures par la suite, à quelques mètres de la manifestation.
بعد شهور من المظاهرات السلمية في محافظة السويداء، قوات الأسد تطلق النار على المتظاهرين وسقوط أول ضحية " جواد الباروكي "
التاريخ يعيد نفسه.. pic.twitter.com/NssD5AU8GW
La manifestation du 28 février était liée à la réouverture d’un centre de régulation. Ces centres doivent permettre aux réfractaires et à ceux qui ne sont pas en règle de régulariser leur situation vis-à-vis du service militaire. Ils ouvrent au fur et à mesure dans les territoires repris par le régime avec l’aide de la Russie depuis 2015. Mais à Soueida, cette ouverture a été parmi les causes des manifestations commencées à l’été 2023. Face à la contestation, le centre avait été suspendu en novembre, puis a rouvert fin février.
“Plus de 200 manifestations ont eu à Soueida et dans ses environs pour appeler au départ de Bachar el-Assad”
Rayan Ma’rouf est le rédacteur en chef de Suwayda 24, un site d’information locales qui suit de près la situation dans la ville depuis le début de la mobilisation.
Le "processus de réconciliation", est une pratique généralisée du régime syrien visant à régulariser la situation de ses opposants, y compris les réfractaires au service militaire. Le régime a suspendu ce processus à Soueida en novembre 2023 après quelques mois de manifestations, mais il l’a relancé le 21 février, ce que les manifestants étaient venus dénoncer quand ils se sont introduits dans le centre de régulation.
“200 manifestations, à raison d’une manifestation par jour”
Les manifestations à Soueïda s'inscrivent dans le contexte plus large de la guerre civile syrienne, débutée dans la foulée des révolutions du Printemps arabe en 2011.
Le régime syrien a initialement adopté une stratégie visant à ménager de containment et de rapprochement avec les minorités religieuses et ethniques comme les Druzes-ces derniers sont très présents à Soueida . Elle permettait notamment aux jeunes de Soueida de ne pas être inscrits dans l’armée.
La ville de Soueida avait pourtant participé aux manifestations anti-régime de 2011 mais de façon plutôt modérée. Mais depuis août 2023, elle est devenue l’épicentre d’une mobilisation grandissante pour exiger la fin du régime.
Rayan Ma’rouf reprend :
Depuis le début du mouvement le 15 août dernier, plus de 200 manifestations ont eu lieu au centre de Soueida et dans ses environs pour appeler au départ du président Bachar el-Assad et au passage pacifique du pouvoir en vertu de la résolution 2254 de l’ONU [qui appelle à un cessez-le-feu et à une résolution politique du conflit, NDLR]. La place de la Dignité [ainsi rebaptisée par les manifestants après avoir démoli un statut de Hafez Al-Assad lors d’une manifestation en 2011, NDLR] est devenue le théâtre de manifestations pacifiques quotidiennes, en particulier les lundis et vendredis, attirant des centaines, voire des milliers de participants.
Les manifestants ont pris d'assaut plus de 45 sièges du parti Baas dans le gouvernorat de Soueïda au cours des récentes manifestations, reléguant le contrôle du parti à son seul centre de direction. Certains de ces locaux ont été convertis par les habitants en centres de services et médicaux [gérés par des collectifs locaux], marquant un changement significatif dans la dynamique politique actuelle.
Une large foule s’est rassemblée le lendemain, 29 février 2024, pour rendre hommage à la victime, Jaouad El Barouki. Dans une vidéo publiée le même jour, on entend la foule crier “Bachar El Assad tueur! Bachar El Assad traître”.
"بشار الأسد قاتل".. من هتافات المشيعين في ساحة سمارة وسط مدينة السويداء اليوم الخميس، خلال تشييع الفقيد جواد الباروكي، الذي قضى بإطلاق نار من قوى الأمن في مظاهرة سلمية أمس الأربعاء.#مظاهرات_السويداء pic.twitter.com/yxjfIev7vD
— السويداء 24 (@suwayda24) February 29, 2024Cette vague de protestation était intervenue à la suite de la décision, le 15 août 2023, du gouvernement d’augmenter les prix des hydrocarbures de 200 %, alors que les habitants subissent déjà de plein fouet les conséquences dévastatrices de douze années de guerre, notamment sur le plan économique : plus de 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et le salaire mensuel des fonctionnaires s’élève à l’équivalent de 12 euros.
Le régime syrien, en place depuis plus de 50 ans, est aujourd’hui accusé de crimes contre l’humanité du fait de la répression sanglante du mouvement protestataire et de l’emploi des armes chimiques contre des civils.