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Mali : ce qu'il faut savoir du retrait définitif de la Minusma
Lancée en 2013, la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) doit parachever dimanche la dernière phase de son retrait après dix ans de présence dans le pays. C'est la fin d'un parcours semé d'embuches pour l'une des plus grandes missions des Nations unies.
  • Un retrait en deux phases

Conformément à la décision prise fin juin par le Conseil de sécurité de l'ONU, soldats et policiers de la Minusma quittent officiellement le Mali dimanche 31 décembre 2023.

Ce retrait s'est déroulé en deux temps : une première phase, entamée le 17 juillet, s'est concentrée sur l'évacuation des avant-postes les plus modestes et les plus éloignés des bases importantes. Fin août, la Minusma a débuté la dernière phase de son retrait avec le départ des bases de Tessalit, Aguelhok et Kidal au Nord, de Douentza et Mopti au Centre, et d'Ansongo à l'Est. Au 11 décembre, dix bases ont été fermées, de même que le quartier général de la mission à Bamako, clôturant officiellement dix ans de présence au Mali.

#CommuniquéDePresse - La MINUSMA conclut son départ du #Mali par une cérémonie à #Bamako.

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— MINUSMA (@UN_MINUSMA) December 11, 2023
  • Un processus de liquidation le 1er janvier

Au total, plus de 10 750 membres du personnel de maintien de la paix sur environ 13 800 ont quitté le Mali à la mi-décembre et le reste devra avoir plié bagage d'ici dimanche, à l'exception de ceux impliqués dans le processus de liquidation, qui débutera le 1er janvier 2024.

Il s’agira par exemple de remettre aux autorités maliennes les derniers équipements devant l’être, ou de mettre fin aux contrats existants. Mais ce processus, qui devait durer 18 mois sur trois sites, à Bamako, Gao et Tombouctou, est perturbé par la menace des groupes terroristes. Le 29 décembre, la Minusma a annoncé fermer définitivement son camp de Tombouctou, ne pouvant assurer la sécurité du personnel restant sur place.

  • Un défi logistique et sécuritaire

"Clôturer une mission bâtie sur une décennie en l’espace de six mois est une entreprise complexe et ambitieuse", reconnaissait fin août le chef de la Minusma, El-Ghassim Wane. Avec 13 000 militaires et policiers, 1 800 experts civils, 5 500 conteneurs maritimes de matériel et près de 4 000 véhicules à déplacer ou à rapatrier, le retrait de la Minusma constituait en effet un défi logistique de tout premier ordre.

Une mission d'autant plus complexe que le contexte sécuritaire est difficile. Dans le nord, l'ONU a notamment décidé fin octobre de précipiter son départ de Kidal, ville stratégique et enjeu majeur de la bataille entre l'État central et les groupes armés séparatistes. Lors ce désengagement, plusieurs casques bleus ont été gravement blessés lorsque leur véhicule a été victime d’un engin explosif improvisé. Les convois de la Minusma ont régulièrement été ciblés par les groupes terroristes pendant cette période.

Mali : ce qu'il faut savoir du retrait définitif de la Minusma
  • Des relations dégradées avec la junte

Les relations déjà tendues entre la junte et la Minusma ont continué à se dégrader lors de ces opérations de retrait. L'ONU s'est plaint à plusieurs reprises de la non délivrance d'autorisations de vol, ce qui qui a contraint ses personnels à entreprendre de longs et dangereux trajets par la route en s'exposant aux attaques des groupes terroristes.

Elle a également rapporté des obstructions faites au déplacement de ses convois et dit avoir dû détruire ou mettre hors d'usage des équipements faute d'avoir pu les emporter. De son côté, la junte a accusé en octobre la Minusma et la France d'avoir sciemment accéléré le calendrier de retrait pour favoriser l'implantation des groupes armés.

  • Une rupture devenue inévitable

Arrivée au pouvoir par la force en 2020, la junte militaire malienne a poussé vers la sortie la mission onusienne dans un contexte de rapprochement avec la Russie au détriment de la France, l'ancienne puissance coloniale. "Le réalisme impose le constat de l’échec de la Minusma, dont le mandat ne répond pas aux défis sécuritaires", affirmait le 16 juin le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, réclamant, à deux semaines de l'échéance du renouvellement de la mission, le "retrait sans délai" de la force des Nations unies.

Dans ces conditions, la Minusma n'avait plus d'autre option que de partir. Le 30 juin, le Conseil de sécurité a mis fin à son mandat et lui a donné jusqu'au 31 décembre pour quitter le pays.

  • La fin d'une mission coûteuse et meurtrière

Lancée dans le sillage de l’intervention militaire française de janvier 2013, la Minusma avait pour but de rétablir l'autorité de l'État malien face aux groupes armés et de protéger les populations. Mais malgré les pertes humaines et un engagement financier considérable – 1,2 milliard de dollars par an –, la Minusma a fait l’objet de vives critiques d’une partie des Maliens, qui dénonçaient un manque d'efficacité de sa part.

Avec plus de 180 membres tués dans des actes hostiles essentiellement perpétrés par les groupes armés affiliés à al-Qaida et à l’organisation État islamique, la Minusma a été la mission de paix de l’ONU la plus durement touchée ces dernières années.

Désormais, certains experts craignent que la situation sécuritaire ne se détériore davantage, laissant une armée malienne sous-équipée, épaulée par environ un millier de combattants Wagner, face aux groupes armés qui contrôlent de vastes pans de territoire dans le nord et le centre du pays.