Annoncée comme imminente par l'Élysée, l'expulsion d'une dizaine d'Afghans présents illégalement en France pourrait être retardée. Les autorités diplomatiques afghanes refusent d'émettre les laissez-passer indispensables à leur reconduite.
Le vol charter Londres-Paris-Kaboul pourra-t-il s'envoler avec des réfugiés afghans à son bord ? Rien n'est moins sûr. Cible de critiques émanant des rangs de la gauche comme de ceux de la majorité UMP, le projet du gouvernement français d'expulser, dans les prochains jours, une dizaine d'immigrés illégaux de nationalité afghane risque de se heurter à un problème technique que les autorités afghanes et la justice française se sont fait fort de soulever.
"Les autorités françaises nous ont présenté un certain nombre de ressortissants afghans, nous avons vérifié leur identité et nous les avons interrogés pour savoir s'il s'agit de retours volontaires, explique l'ambassadeur d'Afghanistan à Paris, Omar Samad, contacté par france24.com. Or aucun de ces hommes ne souhaite retourner en Afghanistan. Notre politique est de ne pas délivrer de laissez-passer dans ces cas-là."
A défaut de documents officiels afghans, les autorités françaises ont émis des "laissez-passer européens". Ce qui est contraire au droit international, affirme Jean-Pierre Alaux, du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti), cité par le quotidien "Le Monde". "Un État cherchant à expulser une personne ne peut établir lui-même un laissez-passer, précise-t-il. Le droit international exige que soit établi un laissez-passer consulaire par le pays vers lequel est renvoyée la personne."
Aussi les autorités de Kaboul étudient-elles la validité de ces titres. "C'est assez nouveau et cela peut avoir des répercussions sur les relations franco-afghanes, indique l'ambassadeur Omar Samad. L'opinion publique afghane est préoccupée et le Parlement a eu récemment des discussions très sérieuses sur le sujet."
La cour d'appel de Douai tranche
Les autorités afghanes ne se sont toujours pas prononcées que la justice française a, elle, déjà tranché. Lundi soir, la cour d'appel de Douai (Nord) a ordonné la libération d'un Afghan en voie d'expulsion au motif que "l'administration n'établit, par aucune pièce ni référence à aucun texte, [...] que ce qu'elle appelle un 'laissez-passer européen' serait équivalent à un laissez-passer diplomatique". La décision pourrait faire jurisprudence.
En tout état de cause, pour Omar Samad, les dossiers doivent être traités "au cas par cas. Notamment en fonction de la région d'origine, du passé de la personne, des relations plus ou moins difficiles que sa famille entretient avec les Taliban... Cela devrait aussi faire partie des préoccupations des autorités françaises."
Pour l'heure, Paris semble toutefois déterminé à reconduire plusieurs réfugiés afghans dans les jours qui viennent. "Les autorités françaises nous ont informés qu'il y aurait très prochainement un vol groupé, vraisemblablement ce soir, a affirmé, ce mardi midi, Omar Samad. Le nombre peut varier, même à la dernière minute." Ce matin déjà, l'Elysée avait fait connaître, par la voix de son secrétaire général, Claude Guéant, l'imminence d'un vol charter vers Kaboul. Sans en préciser la date exacte.