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Maroc : peine de prison confirmée pour la militante féministe Ibtissame Lachgar
La militante féministe marocaine Ibtissame Lachgar a vu sa peine de deux ans et demi de prison pour blasphème confirmée par la justice lundi. Elle avait publié sur les réseaux sociaux une photo d'elle vêtue d'un t-shirt où apparaissait le mot "Allah" suivi de la phrase "is lesbian".
La militante féministe Ibtissame Lachgar. © Compte X, @IbtissameBetty

Un tribunal de Rabat a confirmé lundi 6 octobre en appel une peine de deux ans et demi de prison prononcée en première instance à l'encontre de la militante féministe marocaine Ibtissame Lachgar pour "atteinte à l'islam".

La militante de 50 ans, connue pour son engagement en faveur des libertés individuelles, avait été arrêtée cet été après avoir publié sur les réseaux sociaux une photo d'elle vêtue d'un t-shirt où apparaissait le mot "Allah" suivi de la phrase "is lesbian" ("est lesbienne"). L'image était accompagnée d'un texte qualifiant l'islam, "comme toute idéologie religieuse", de "fasciste, phallocrate et misogyne".

Dans la salle d'audience, Sihar Lachgar, une des sœurs de la militante, a éclaté en sanglots à l'énoncé du verdict. Sa défense va formuler une demande d'aménagement pour transformer la peine de prison en peine alternative, ainsi qu'un pourvoi en cassation, a indiqué à l'AFP à la sortie de la salle l'une de ses avocates, Me Ghizlane Mamouni.

"C'est un jour noir pour la liberté au Maroc"

"C'est un jour noir pour la liberté au Maroc", a poursuivi avec beaucoup d'émotion l'avocate, qualifiant la décision du tribunal de "désastre". Pendant l'audience à laquelle l'AFP a assisté, elle avait plaidé pour qu'Ibtissame Lachgar soit innocentée, ou que soit au moins prononcée une peine alternative (bracelet électronique, travail d'intérêt général...) afin qu'elle puisse se soigner.

En rémission d'un cancer, la militante est apparue à l'audience affaiblie et portant une attèle au bras gauche. Son avocate a souligné que son état risquait de s'aggraver en détention. "On ne comprend pas pourquoi elle ne bénéficie pas de peines alternatives. Elle y est parfaitement éligible. Elle n'a commis aucun crime dangereux et n'est pas dangereuse pour la société. Elle n'a fait que s'exprimer", a soutenu Me Mamouni.

La publication de "Betty" Lachgar avait suscité de vives réactions sur internet, dont des appels à son arrestation mais aussi des menaces de viol et de lapidation.

Lors de l'audience, le représentant du Parquet a réclamé un alourdissement de la peine prononcée en première instance le 3 septembre, parlant d'"atteinte à l'ordre public et à la quiétude spirituelle des Marocains".

Slogan féministe

Outre la peine de prison, Ibtissame Lachgar a aussi été condamnée à une amende d'environ 5 000 euros pour "atteinte à la religion islamique" pour cette publication jugée "offensante envers Dieu".

L'article 267-5 du Code pénal marocain punit de six mois à deux ans de prison ferme "quiconque porte atteinte à la religion musulmane". Une peine pouvant être portée à cinq ans si l'infraction est commise en public, "y compris par voie électronique".

"Elle a exprimé une opinion, on peut être d'accord avec elle ou non" mais "cette lourde condamnation" porte "atteinte à sa liberté d'expression", a déclaré à l'AFP à la sortie de la salle d'audience Hakim Sikouk, président de la section de Rabat de l'association marocaine des droits humains (AMDH).

Maroc : peine de prison confirmée pour la militante féministe Ibtissame Lachgar

Avant que le tribunal ne se retire pour délibérer, la militante a réaffirmé à la barre son innocence, niant toute intention de porter atteinte à la religion. Cette psychologue clinicienne a aussi rappelé que son t-shirt reprenait un slogan féministe existant depuis des années contre le sexisme et les violences faites aux femmes.

Ibtissame Lachgar avait aussi mis en avant son état de santé et le fait qu'elle doive se faire opérer au bras, au risque sinon de devoir se faire amputer. 

L'organisation Human Rights Watch avait réclamé à la mi-septembre l'annulation de sa peine, qualifiant le jugement de "coup dur à la liberté d'expression au Maroc".

Ibtissame Lachgar a cofondé en 2009 le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) et mené plusieurs campagnes médiatisées notamment contre les violences faites aux femmes et la pédocriminalité.

Avec AFP