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Plan Trump pour Gaza : le revenant Jared Kushner peut espérer rafler la mise
L'un des principaux émissaires de Donald Trump pour les négociations de paix entre Israël et le Hamas n'est autre que son gendre Jared Kushner. Chargé du dossier du Moyen-Orient lors du premier mandat de son beau-père, Jared Kushner s’était fait discret depuis le retour du milliardaire républicain à la Maison Blanche. Pourquoi revenir ainsi sur le devant de la scène ?
Jared Kushner a été dépêché par son beau-père Donald Trump pour participer aux négociations devant permettre de finaliser les détails du plan de paix entre Israël et le Hamas. © Studio graphique France Médias Monde

Le retour du gendre prodigue. Jared Kushner a rejoint l’équipe de négociateurs américains arrivés en Égypte pour mener les pourparlers de paix entre Israël et le Hamas qui se sont ouverts lundi 6 octobre. Le mari d’Ivanka Trump, la fille du président américain, va ainsi partager les premières places médiatiques de ces discussions pour finaliser les détails du plan de paix avec Steve Witkoff, l’émissaire spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient.

La réapparition de Jared Kushner, totalement absent de la scène politique nord-américaine depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche le 20 janvier 2025, a de quoi surprendre. Le gendre du milliardaire républicain avait affirmé avoir l’intention de se concentrer à 100 % sur ses affaires et prendre sa retraite politique lors d’un entretien accordé au site Axios en février 2024.

De la politique à la finance

Un an et demi plus tard, Jared Kushner aurait-il remisé ses promesses au placard pour se (re)transformer en chevalier blanc de la paix au Moyen-Orient ? L'homme d'affaires avait déjà eu à résoudre – sans succès – la crise israélo-palestinienne durant le premier mandat de Donald Trump entre 2016 et 2020.

Il était à l’époque politiquement omniprésent et était officiellement chargé de tous les dossiers possibles et imaginables, depuis la crise des opioïdes aux États-Unis à la paix au Proche-Orient en passant par la surpopulation carcérale.

Mais c’était sur le terrain moyen-oriental que ce gendre touche-à-tout s’était le plus illustré. De confession juive et proche du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Jared Kushner avait notamment mené au nom de son beau-père les négociations qui ont abouti aux accords d’Abraham de normalisation des relations entre Israël et les Émirats arabes unis en 2020.

Et puis plus rien ? Officiellement, Jared Kushner et sa femme ont dès le début du mandat de Joe Biden pris congé politiquement et physiquement de Washington. Le couple s’est installé à Miami, en Floride, où Jared Kushner a troqué ses habits de promoteur immobilier pour ceux de gérant de fonds d’investissement.

Sans expérience aucune dans le domaine de la finance, il a fondé en janvier 2021 le fonds Affinity Partners, censé officiellement "servir à construire des ponts économiques entre Israël et les pays arabes".

Quelques mois seulement après son lancement, Affinity Partners est entré dans l’histoire de la finance en devenant le bénéficiaire du plus important investissement d’un fonds souverain dans une seule entité. Le Fonds public d'investissement d'Arabie saoudite a misé deux milliards de dollars sur le nouveau véhicule financier de Jared Kushner.

Mohammed ben Salmane, le prince héritier et dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, a dû intervenir en personne pour finaliser l’accord. Dans une lettre ouverte, Ron Wyden, président de la commission des finances au Sénat, avait rappelé les doutes émis par le fonds souverain saoudien sur le bien-fondé de cet investissement en raison de "l’inexpérience" de Jared Kushner dans la finance et avait estimé que les frais demandés par Affinity Partners pour gérer l’argent saoudien "étaient excessifs".

Des coulisses au devant la scène diplomatique

Depuis lors, le gendre de Donald Trump a continué à faire fructifier ses relations au Proche-Orient, recevant des fonds d’investisseurs du Qatar et des Émirats arabes unis.

Fin septembre, Jared Kushner et Affinity Partners ont racheté, avec le fonds souverain saoudien et le fonds de la Silicon Valley Silver Lake, le géant du jeu vidéo Electronic Arts.

Le gendre de Donald Trump semblait donc avoir définitivement tourné la page de la politique. Mais les apparences étaient trompeuses : dans le dossier israélo-palestinien, "il œuvrait en coulisse depuis le début", souligne Scott Lucas, spécialiste des relations internationales et de la politique étrangère américaine à l’université de Birmingham.

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Plan Trump pour Gaza : le revenant Jared Kushner peut espérer rafler la mise
© France 24
03:44

D’abord par l’intermédiaire de Steve Witkoff. Les deux hommes sont issus du même monde – l’immobilier – et se connaissent bien. "Ils sont amis et Jared Kushner a régulièrement offert ses conseils à Steve Witkoff pour négocier avec les dirigeants des pays arabes", affirme CNN.

"Il semble aussi avoir eu un rôle important dans la mise au point du plan de développement pour Gaza qui a fuité dans la presse", ajoute René Lindstaedt, spécialiste des États-Unis à l’université de Birmingham. Ce très controversé projet de "Riviera de luxe" pour Gaza aurait été présenté à Donald Trump par son gendre.

"Jared Kushner a été convaincu de prendre un rôle plus visible dans les négociations de paix après la tentative israélienne d’assassinat des négociateurs du Hamas au Qatar", assure Scott Lucas. Le gendre du président avait trop à perdre financièrement si le Qatar et les autres pays du Golfe commençaient à se dire qu’ils ne pouvaient plus compter sur la protection des États-Unis. "C’est à ce moment-là que Jared Kushner et d’autres ont fait pression sur Donald Trump pour qu’il force la main à Benjamin Netanyahu afin de trouver une issue à cette guerre", analyse Scott Lucas.

"Démarche égoïste" de Jared Kushner

C’est donc "une démarche égoïste de la part de Jared Kushner", estime René Lindstaedt. D’un côté, il veut préserver ses intérêts économiques ; de l’autre, "il tient à être présent pour un éventuel accord de paix qu’il peut présenter comme le dernier chapitre de son action dans la région depuis le début du premier mandat de Donald Trump", note René Lindstaedt.

En outre, le fait de mettre Jared Kushner au centre des négociations "est une illustration de la diplomatie transactionnelle de Donald Trump", estime Scott Lucas. Les négociateurs américains risquent d’avoir tendance à pencher en faveur du camp dont les propositions bénéficient le plus au clan Trump représenté par Jared Kushner… et les Palestiniens n’ont pas grand-chose à offrir, soulignent les experts interrogés par France 24.

Les Palestiniens pourraient donc devenir les grands perdants de l’irruption de Jared Kushner sur le devant de la scène diplomatique, craignent les experts sollicités par France 24. L'homme d'affaires est en effet passé maître dans l’art de faire passer les messages de son beau-père aux pays du Golfe et il est resté proche de Benjamin Netanyahu, qui est un ami personnel de son père.

Reste un espoir pour les Palestiniens : si Jared Kushner et d’autres proches de Donald Trump "comptent faire de l’argent avec des projets immobilier à Gaza, il faut que ce territoire soit stable, ce qui implique une participation des Palestiniens à sa gouvernance", conclut Scott Lucas.