logo

Mission de la dernière chance pour Lecornu, qui a 48 heures pour "d'ultimes négociations"
Emmanuel Macron a donné lundi à Sébastien Lecornu, Premier ministre le plus éphémère de la Ve République ayant démissionné dans la matinée, 48 heures pour des négociations de la dernière chance. Le chef de l'État a laissé planer l'hypothèse d'une dissolution de l'Assemblée nationale en cas d'échec.
Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron après la cérémonie militaire 2025 du 14-Juillet à Paris. © Mohammed Badra via Reuters

Quarante-huit heures chrono. Quelques heures après avoir accepté la démission de Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron a confié lundi 6 octobre à son Premier ministre démissionnaire – le plus éphémère de la Ve République – la mission de mener "d'ultimes négociations" pendant deux jours pour sortir la France de la crise politique.

Ces ultimes tractations ont été accueillies froidement jusque dans le camp présidentiel.

Attal "ne comprend plus les décisions" de Macron

"Il y a des décisions qui donnent le sentiment d'une forme d'acharnement à vouloir garder la main", a taclé le secrétaire général du parti Renaissance Gabriel Attal au journal de 20 heures de TF1. L'ex-Premier ministre, balayé par la dissolution de 2024, a avoué qu'il "ne comprend plus les décisions" du chef de l'État et appelé à "partager le pouvoir".

Il a toutefois indiqué qu'il participerait aux "ultimes négociations", annoncées par l'Élysée, "afin de définir une plateforme d'action et de stabilité pour le pays".

Sébastien Lecornu, qui dira au chef de l'État mercredi soir si un compromis est possible ou non, entamera ses nouvelles tractations mardi à 9 h en recevant des dirigeants du "socle commun", la fragile coalition entre le camp présidentiel et le parti de droite Les Républicains dont les signes d'implosion l'ont poussé à démissionner. Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat seront aussi présents.

En cas de nouvel échec mercredi, Emmanuel Macron "prendra ses responsabilités", a fait savoir son entourage, semblant laisser planer l'hypothèse d'une nouvelle dissolution. Il a précisé qu'en cas de succès, Sébastien Lecornu ne serait pas automatiquement renommé Premier ministre, son rôle se bornant à ce stade à dire si "des voies de compromis" sont encore possibles.

"Qu'ils s'en aillent tous !"

"La fin de règne de la macronie est interminable. Qu'ils s'en aillent tous !", a réagi la cheffe des députés La France insoumise (LFI) Mathilde Panot, quand la patronne des Écologistes Marine Tondelier a ironisé sur ce "monde politique en train de s'effondrer et qui s'accroche comme une moule à son rocher".

La journée avait commencé par un coup de tonnerre politique. Troisième Premier ministre désigné en un an depuis la dissolution de juin 2024, Sébastien Lecornu, nommé le 9 septembre, s'est rendu aux premières heures à l'Élysée pour remettre sa démission, 14 heures seulement après avoir formé son gouvernement. Emmanuel Macron l'a formellement acceptée.

"Les conditions n'étaient plus remplies" pour rester, a déclaré Sébastien Lecornu un peu plus tard, regrettant "les appétits partisans" ayant conduit à sa démission. Une allusion claire au patron des Républicains (LR) Bruno Retailleau qui, dimanche soir, a précipité sa chute quelques heures après avoir accepté de rester au gouvernement.

Retailleau ne se sent "pas du tout" responsable

Le ministre de l'Intérieur démissionnaire a assuré qu'il ne se sentait "pas du tout" responsable de la crise. La veille, il s'était insurgé contre la composition de l'équipe Lecornu, critiquant notamment le retour, aux Armées, de l'ex-ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Ce dernier a renoncé à participer au gouvernement dans l'espoir de permettre "la reprise des discussions".

Sébastien Lecornu a aussi regretté que son offre de renoncer à l'article 49.3 de la Constitution pour redonner la main au Parlement n'avait "pas permis" d'évacuer la menace d'une censure de la gauche et du Rassemblement national (RN).

Il s'agit du gouvernement le plus bref de la Ve République. Sa chute plonge la France dans une crise politique sans précédent depuis des décennies, aggravant l'impasse née de la dissolution.

Le président de la République a peu de cartes dans sa main. Hormis cette mission de la dernière chance confiée à son fidèle soutien, il peut dissoudre une Assemblée figée en trois blocs comme le demande le RN, démissionner comme le voudrait LFI ou nommer un Premier ministre de gauche comme l'ont de nouveau réclamé écologistes et socialistes. Ou encore faire appel à une personne sans étiquette à la tête d'un "gouvernement technique".

Censure "systématique" de l'extrême droite

Au RN, Marine Le Pen a jugé une dissolution "absolument incontournable" et estimé qu'une démission du chef de l'État serait "sage". Dans la soirée, le parti d'extrême droite et ses alliés de l'UDR ont fait savoir, par la voix d'Éric Ciotti, qu'ils "censureront systématiquement tout gouvernement" jusqu'à la dissolution ou la démission du président.

Le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon a lui demandé l'examen "immédiat" d'une motion de destitution d'Emmanuel Macron, "à l'origine du chaos".

Le patron des socialistes Olivier Faure, qui avait joué le jeu des négociations jusque-là et réclamait un nouveau vote parlementaire sur la réforme des retraites pour ne pas censurer, a demandé sur TF1 un "changement de cap" avec l'arrivée d'un "gouvernement de gauche" à Matignon.

Face à ce nouveau rebondissement de la crise, la Bourse de Paris a terminé en baisse. Sur le marché obligataire, le taux d'intérêt à dix ans a passé au-dessus de celui de l'Italie.

Avec AFP