
Le successeur de Pierre Gadonneix à la présidence d'EDF débute son mandat dans un contexte délicat. Avant même son entrée en fonction, il a été tancé pour ses prises de position concernant la gestion de la filière nucléaire française.
"Je n’ai pas l’habitude du politiquement correct, ni de la diplomatie", commente Henri Proglio, dans un entretien au quotidien "Les Echos" daté de lundi. Le ton est donné : le successeur de Pierre Gadoneix, qui s'installe aujourd'hui dans son nouveau bureau rue de Wagram à Paris, n’est pas du genre à se laisser dicter la marche à suivre.
Si sa nomination ne sera officielle que mercredi, après le décret en Conseil des ministres qui entérinera le choix du conseil d'administration, l’ancien patron de Veolia Environnement - qui conserve son poste à la présidence du conseil d'administration - a déjà en effet dévoilé ses nouvelles ambitions pour EDF, non sans causer quelques remous.
Avant même sa nomination, il a annoncé sa volonté d’amorcer un rapprochement entre EDF et son ancien groupe Veolia et a surtout détonné en préconisant le démantèlement d’Areva. Il souhaite également qu’EDF devienne le chef de file du nucléaire français. "Mon ambition est d'avoir une filière nucléaire française qui fonctionne. Cela implique qu'on repense toute la filière", avait-t-il déclaré dès la semaine dernière.
Pire encore : il a écorné la stratégie du groupe nucléaire Areva, détenu à 93 % par l’Etat, qualifiant d'"erreur" la fusion réalisée en 2001 entre Framatome, fabricant de réacteurs, et Cogema, qui fournit le combustible.
"Il faut que toute la filière se range derrière EDF"
Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir la ministre de l'Economie, Christine Lagarde. "Chacun doit s'occuper de ses dossiers", a-t-elle sermonné. Mais Christine Lagarde ne cache pas non plus avoir "approuvé" la "détermination" de Proglio "à vouloir renforcer la position de la France dans le domaine nucléaire". Les deux chantiers de réacteurs EPR, à Flamanville et en Finlande, accusent des retards importants. Et les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont critiqué récemment le système de pilotage de l'EPR.
Aujourd’hui, le rappel à l’ordre semble être entendu. Dans les colonnes des "Échos", Henri Proglio revient uniquement sur le besoin d’assurer un leadership sans partage sur le dossier du nucléaire : "Dans la compétition internationale, face à des géants germano-russes ou américano-japonais, peut-on se permettre de faire dans la dentelle pendant que les autres rassemblent leurs forces ? On ne vend pas des machines à café ou des sucres d’orge ! Le nucléaire, c’est de l’industrie lourde. Il faut que toute la filière se range derrière EDF. Ça a toujours marché comme cela, et je ne vois pas pourquoi cela changerait…"
Mais d’autres sujets pourraient lui valoir d’autres rappels à l’ordre. Proglio s’oppose fermement à la réforme du marché de l’électricité que le Premier ministre François Fillon s’est engagé auprès de la Commission européenne à appliquer. Cette réforme vise à donner aux concurrents d’EDF un accès à son énergie nucléaire à prix coûtant : "J’ai dit non ! Si on fait cela, la société ne vaut plus rien !", vitupère-t-il dans les colonnes des "Échos".