Alors que la répression sanglante des manifestations se poursuit en Birmanie, les États-Unis, notamment, ont dévoilé jeudi un nouveau train de sanctions contre l'armée birmane pour punir celle-ci du coup d'État du 1er février.
Appel à un embargo mondial sur les livraisons d'armes, réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l'ONU, nouvelles sanctions américaines : la pression internationale s'intensifie sur la junte birmane, toujours sourde aux critiques face à l'escalade de sa répression contre les manifestants pro-démocratie encore dans la rue, vendredi 5 mars.
Au moins 38 personnes, d'après les Nations unies – plus lourd bilan depuis le putsch du 1er février – ont été tuées mercredi par les forces de sécurité, qui ont tiré à balles réelles sur des rassemblements de contestataires, suscitant de nouvelles protestations internationales.
Dans un rapport rendu public jeudi, Thomas Andrews, un expert indépendant mandaté par l'ONU, souligne que "même si l'avenir de la Birmanie est déterminé par son peuple, la communauté internationale doit agir de manière urgente et décisive pour le soutenir".
Le rapporteur spécial des Nations unies recommande en conséquence au Conseil de sécurité, qui se réunit vendredi à huis clos pour discuter de la situation dans ce pays, de lui "imposer un embargo mondial sur les armes", comme le font déjà, selon lui, les Européens et le Canada, appelant en outre à "des sanctions économiques ciblées [contre les généraux birmans]".
Malgré la crainte des représailles, des manifestations étaient organisées dans plusieurs villes du pays ce vendredi. À Rangoun, la capitale économique du pays, le quartier de San Chaung faisait, comme les jours précédents, l'objet d'un face à face pour le moment pacifique avec les forces de l'ordre, les manifestants se protégeant derrière des barricades de fortune construites avec de vieux pneus, des sacs de sable, et du fil de fer barbelé.
Répression sanglante
Un groupe de plusieurs centaines d'ingénieurs manifestaient dans les rues de Mandalay, la deuxième ville de Birmanie, scandant "Libérez notre leader ! " et "Ne servez pas l'armée, partez !".
Dans la ville moyenne de Bago, au nord-est de Rangoun, un petit groupe marchait les trois doigts levés en signe de résistance, brandissant des panneaux sur lesquels était inscrit "nous n'acceptons pas le coup d'État militaire".
La junte semble plus déterminée que jamais à éteindre ce vent de fronde soufflant sur la Birmanie depuis le putsch qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi.
Au moins 54 civils ont été tués depuis le coup d'État, selon l'ONU. Parmi eux, quatre mineurs, dont un adolescent de 14 ans, d'après l'ONG Save the Children. On compte aussi des dizaines de blessés.
L'armée a fait état pour sa part de la mort d'un policier. Sollicitée, elle n'a pas répondu aux multiples requêtes de l'AFP.
"Le recours à la force meurtrière […] montre à quel point les forces de sécurité craignent peu d'être tenues pour responsables de leurs actes", a souligné Richard Weir, de l'ONG Human Rights Watch.
Kyal Sin, nouveau symbole
Une foule très importante a par ailleurs participé jeudi à Mandalay aux funérailles d'une femme de 19 ans décédée la veille. "Il n'y aura pas de pardon pour vous jusqu'à la fin du monde", a scandé l'assemblée, réunie devant son cercueil entouré de fleurs.
Kyal Sin est devenue un symbole : une photo où on la voit, peu de temps avant qu'elle ne soit atteinte par un tir mortel, portant un T-shirt sur lequel est écrit "Tout ira bien", est devenue virale sur les réseaux sociaux.
Une enquête pour déterminer les causes exactes de sa mort a été ouverte, a affirmé vendredi le Global New Light of Myanmar, l'organe officiel du régime.
De leur côté, les États-Unis ont annoncé jeudi de nouvelles sanctions commerciales contre la Birmanie : le ministère américain du Commerce a précisé avoir imposé de "nouvelles restrictions aux exportations" vers le pays et avoir inscrit sur sa liste noire les ministères birmans de la Défense et de l'Intérieur, "responsables du coup d'État", ainsi que "deux entités commerciales détenues et gérées par le ministère de la Défense".
Ces mesures s'ajoutent aux sanctions financières déjà imposées aux chefs de la junte militaire qui a renversé le 1er février Aung San Suu Kyi et son gouvernement. "Nous allons continuer à prendre des mesures contre la junte", a prévenu dans un tweet le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price.
La Chine et la Russie, des alliées traditionnelles de l'armée birmane, n'ont quant à elles pas officiellement condamné le coup d'État, considérant la crise comme "une affaire intérieure".
La répression se poursuit aussi sur le terrain judiciaire. Aung San Suu Kyi, tenue au secret par l'armée, est désormais visée par quatre chefs d'inculpation, dont "incitation à des troubles publics", tandis que l'ex-président Win Myint est notamment accusé d'avoir enfreint la Constitution. Plus de 1 700 personnes ont été arrêtées depuis le 1er février, d'après l'ONU.
Avec AFP