Le Sénat américain a entamé mardi, à la veille de l'investiture, le processus de confirmation des ministres désignés par Joe Biden. Une administration que le futur président souhaite “à l’image de l’Amérique”, reflétant la diversité.
En tant que candidats, Joe Biden et Kamala Harris avaient promis une administration qui "ressemble à l'Amérique" dans sa diversité. Cela devrait devenir une réalité après la confirmation par le Sénat des ministres qui ont été désignés pour composer l’équipe remplaçante de l’administration Trump. L'issue de la procédure, qui a débuté mardi 19 janvier, ne laisse que peu de doutes puisque les démocrates détiennent la majorité à la chambre haute, avec la voix de la vice-présidente Kamala Harris qui s'ajoute en cas d'égalité (50 sénateurs démocrates, 50 républicains).
- Antony Blinken et Wendy Sherman pour “réparer” la diplomatie américaine
Diplomate spécialiste des affaires internationales, Antony Blinken va succéder à Mike Pompeo en tant que secrétaire d'État, qui équivaut en France au ministre des Affaires étrangères. À 58 ans, il est depuis vingt ans l’un des plus proches collaborateurs de Joe Biden et un habitué des administrations : membre du Conseil national de sécurité sous Bill Clinton (1994-2001), chargé de la sécurité nationale auprès du vice-président Biden (2009-2013) ou encore secrétaire d’État adjoint sous l’administration Obama (2015-2017).
Francophone – il a fait une partie de ses études à Paris –, Antony Blinken, défenseur du multilatéralisme sur la scène internationale, aura notamment pour tâche de s’occuper du dossier sur le nucléaire iranien. Pour cela, il sera secondé par Wendy Sherman (71 ans), qui va être la numéro deux de la diplomatie américaine. La future secrétaire d’État adjointe a notamment été, en 2015, une négociatrice d’envergure pour l’accord sur le programme nucléaire de Téhéran.
Anthony Blinken et Wendy Sherman auront pour mission de "réparer" la politique étrangère américaine "mais aussi de la réimaginer", a indiqué dans un communiqué l'équipe de transition de Joe Biden et Kamala Harris. Les nouveaux visages de la diplomatie américaine "incarnent ma conviction profonde que l'Amérique est la plus forte quand elle collabore avec ses alliés", a aussi expliqué le président-élu.
- Janet Yellen, première femme secrétaire au Trésor
Autre poids lourd de l’administration américaine, le secrétariat au Trésor – l’équivalent du ministère de l’Économie et des Finances – sera dirigé par Janet Yellen. À 74 ans, cette dernière est une valeur sûre du monde économique américain. Successivement présidente de la Fed à San Francisco (2004-2010) et vice-présidente de la Fed (2010-2014), elle est nommée présidente de la Banque centrale américaine – une première pour une femme – par Barack Obama en 2014.
Janet Yellen, qui est un choix consensuel pour “satisfaire la gauche du Parti démocrate et les milieux d’affaires” comme l’explique Le Monde, aura fort à faire à ce poste pour redresser une économie frappée par la pandémie de Covid-19. Selon les projections de la Fed, l'économie américaine s'est contractée de 2,4 % en 2020, avec un niveau de chômage encore à un niveau préoccupant malgré des créations d’emplois.
Le nouveau poste de Janet Yellen devrait notamment lui permettre de mettre en place plusieurs mesures voulues par Joe Biden, dont la mesure emblématique de hausse du salaire minimum à 15 dollars.
- Lloyd Austin, premier Afro-Américain à la tête du département de la Défense
Un ancien général quatre étoiles au Pentagone. Lloyd Austin, 67 ans, va être la première personne Afro-américaine à diriger le ministère de la Défense. Retraité de l’armée depuis 2016 après 40 ans de service, il a notamment combattu en Irak et en Afghanistan.
Lors de sa nomination à la tête du commandement central de l'armée américaine, Lloyd Austin est devenu, en 2013, le premier homme de couleur à diriger le Centcom (Commandement central), qui est responsable des opérations militaires des États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud.
L’ex-général connaît par ailleurs Joe Biden depuis plusieurs années : lorsque ce dernier était vice-président, l’ancien général occupait le poste de commandant général des forces américaines en Irak jusqu'à fin 2011. Lloyd Austin et le président-élu ont aussi travaillé ensemble, notamment sur le retrait des troupes américaines en Irak.
- Merrick Garland, un procureur général pour “restaurer l’indépendance” de la justice
À 68 ans, Merrick Garland va prendre la tête du département de la Justice dans la nouvelle administration. Juge au sein de la cour d'appel du district de Columbia depuis près de 24 ans, il aura la lourde tâche de “restaurer l'honneur, l'intégrité et l'indépendance” de la justice américaine, selon les mots de Joe Biden.
Choisi par le président élu le 7 janvier, Merrick Garland a exprimé son attachement à l’État de droit : "(Ce) n'est pas une simple expression d'avocat. C'est le fondement même de notre démocratie", a-t-il déclaré. "Ces principes – assurer l'État de droit et concrétiser la promesse d'une justice égale en droit – sont les grands principes sur lesquels le ministère de la Justice a été fondé et qu'il doit toujours défendre".
À la tête du département de la Justice, il a listé plusieurs priorités, allant de “la garantie de l'équité raciale dans notre système judiciaire” à “la réponse à la menace évolutive de l'extrémisme violent".
- Deb Haaland, première Amérindienne secrétaire à l’Intérieur
Elle est avec Lloyd Austin un visage de la diversité américaine que comptait donner Joe Biden à son administration : Deb Haaland, 60 ans, va devenir la première personne amérindienne à prendre la tête du département de l’Intérieur.
Première Amérindienne élue avec Sharice Davids au Congrès, en 2018, cette représentante du Nouveau-Mexique s'est réjouie de sa nomination. “Une voix comme la mienne n'a jamais été secrétaire de cabinet ou à la tête du ministère de l'Intérieur”, a-t-elle écrit sur Twitter, en décembre dernier. “Grandir dans le foyer pueblo de ma mère m'a rendue féroce. Je serai féroce pour nous tous, notre planète et toutes nos terres protégées.”
- Pete Buttigieg, un secrétaire iconoclaste aux Transports
Outre son jeune âge (38 ans), le futur secrétaire aux Transports détonne dans le paysage politique américain, s’assumant ouvertement homosexuel et chrétien. Ancien maire de la ville de South Bend, dans l’Indiana, Pete Buttigieg s’est révélé sur la scène nationale américaine lors de la primaire démocrate début 2020, arrivant même en tête dans l’Iowa devant Joe Biden et Bernie Sanders.
“Nous veillerons à ce que la création d'emplois, la lutte contre la crise climatique et le centrage sur l'équité soient au cœur de notre vision des transports et des infrastructures”, a-t-il déclaré, en décembre, après sa nomination dans la future nouvelle administration.
- Gina Raimondo, une “dame de fer” au Commerce
La gouverneure de l’État de Rhode Island arrive, auréolée d’une réputation de “dame de fer” dans les négociations, dans un département où les dossiers complexes ne manquent pas.
Inconnue au plan national, Gina Raimondo fait partie – comme Pete Buttigieg – de la nouvelle génération d’élus locaux démocrates promus par l’administration Biden. En tant que secrétaire au Commerce, elle va notamment devoir gérer les relations avec la Chine, pays avec lequel une guerre commerciale s’est mise en place sous l’administration Trump.
Gina Raimondo devra aussi gérer le dossier des géants américains du numérique, visés en France par une taxe Gafa qui a valu à Paris des menaces de Washington. L'administration sortante a d'ailleurs annoncé, le 7 janvier, la suspension du projet d'augmentation des droits de douane sur certains produits français, décidée en représailles à cette taxe.
- Alejandro Mayorkas, un immigré cubain “fier de son identité” à la Sécurité intérieure
À 61 ans, Alejandro Mayorkas va devenir secrétaire à l’Intérieur, un département qui lui est familier puisqu’il a été le sous-secrétaire de Jeh Johnson sous le mandat de Barack Obama (2013-2016). Ce même département, au centre de la politique de lutte contre l’immigration sous l’administration Trump, devrait voir son action infléchie sous la houlette de son nouveau secrétaire.
Alejandro Mayorkas, fils d’immigrés cubains né à La Havane, s’est en effet déclaré, après sa nomination en décembre, “très fier de (s)on identité” : “Je suis très fier de mon héritage, je suis très fier de mes parents, et surtout je suis fier d'être un citoyen américain. En tant que secrétaire à la Sécurité intérieure, j'espère pouvoir représenter pour les autres les opportunités que l'Amérique offre à chacun.”
- Avril Haines, première femme à la tête du Renseignement national
À 51 ans, Avril Haines va devenir la première femme secrétaire au Renseignement national, après avoir été entre 2013 et 2015 la première femme à occuper le poste de directrice adjointe de la CIA. Nouveau visage de l’administration Biden, elle n’en a pas moins déjà travaillé avec le président élu sous un précédent mandat, ayant été l’ancienne conseillère adjointe de Barack Obama pour les affaires de sécurité nationale (2015-2017).
Auréolée d’une solide réputation dans le monde du renseignement, Avril Haines dispose par ailleurs d'une vision globale des menaces, explique le journal Les Échos : “Elle siège, entre autres, au conseil national de l'armée, au conseil d'administration de Refugees International, une ONG qui aide les réfugiés, ou encore à celui de Nuclear Threat Initiative, une ONG qui travaille sur la prévention et la dissuasion nucléaire.”
- John Kerry, retour aux affaires comme envoyé spécial pour le Climat
Retour sur le devant de la scène pour John Kerry. Le secrétaire d’État (2013-2017) et signataire pour les États-Unis de l’Accord de Paris, en 2015, va être l’envoyé spécial de Joe Biden pour le climat dans la nouvelle administration.
À 77 ans, il se voit confier une tâche difficile, à savoir réparer plusieurs années de démantèlement par l’administration Trump de la politique américaine sur le climat. “Le président élu a raison de rejoindre l'accord de Paris dès le premier jour (de son investiture)”, a déclaré en novembre John Kerry. Et de poursuivre : “Il a raison de reconnaître que [l'Accord de] Paris ne suffit pas à lui seul. Toutes les nations doivent élever ensemble leurs ambitions, sinon nous échouerons tous ensemble. Et l'échec n'est pas une option.”
- Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice des États-Unis à l'ONU
Diplomate expérimentée, Linda Thomas-Greenfield va devenir la nouvelle ambassadrice américaine aux Nations unies dans l’administration Biden. À 69 ans, elle a passé une grande partie de sa carrière à travailler en Afrique : au Kenya, en Gambie ou encore au Liberia où elle a été ambassadrice des États-Unis de 2008 à 2012.
“J'ai eu le privilège de nouer des relations avec des dirigeants du monde entier au cours des trente-cinq dernières années”, a réagi Linda Thomas-Greenfield après avoir appris sa nomination, fin novembre. “En tant qu'ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies, je m'efforcerai de rétablir la position de l'Amérique dans le monde et de renouveler les relations avec nos alliés. Je suis heureuse de cette opportunité.”
Avec AFP