Après trois mois d'audiences intenses mais chaotiques, la cour d'assises spéciale de Paris rend, mercredi, son délibéré dans le procès de quatorze soutiens présumés des auteurs des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher.
Le délibéré de la cour d'assises spéciale de Paris présidée par Régis de Jorna est attendu, mercredi 16 décembre à 16 h, après trois mois de procès où ont comparu les soutiens présumés des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly, auteurs des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher.
Alors que l'accusation a demandé des condamnations "à la hauteur de l'extrême gravité des faits", allant jusqu'à la perpétuité, la défense a exhorté la cour à ne pas chercher "coûte que coûte" des coupables pour pallier l'absence des trois terroristes abattus par les forces de sécurité.
Les frères Saïd et Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, morts le 9 janvier 2015 après avoir tué 17 personnes et semé la terreur en France, n'étaient "rien" sans les accusés, ont appuyé les avocats généraux en réclamant des peines allant de cinq ans d'emprisonnement à la réclusion criminelle à perpétuité.
Trente ans requis contre la compagne d'Amedy Coulibaly
Les plus lourdes peines ont été requises contre deux "complices" présumés des attentats : Mohamed Belhoucine, jugé par défaut après son départ pour la Syrie, et Ali Riza Polat, présenté comme la "pièce maîtresse" des actes préparatoires.
Trente ans de réclusion criminelle ont été requis contre la compagne en fuite d'Amedy Coulibaly, Hayat Boumeddiene, et vingt ans contre Mehdi Belhoucine, qui l'avait aidée à partir, tous deux également jugés en leur absence.
De cinq à vingt ans de prison ont été demandés à l'encontre des dix autres accusés présents, soupçonnés d'avoir fourni des armes ou du matériel "en connaissance de cause de l'engagement jihadiste" des auteurs des attaques, selon les avocats généraux.
"Ils sont la cheville ouvrière, la base arrière" des attaques, ont estimé les magistrats.
Dans leurs derniers mots lundi, avant que la cour ne se retire pour délibérer après 54 jours de débats, ces hommes âgés de 29 à 68 ans, tous déjà condamnés pour des délits mais jamais pour des faits liés au terrorisme, ont à nouveau affirmé n'avoir "rien à voir" avec les attentats.
"Un dossier qui transpire la peur"
Les avocats des accusés ont pendant cinq jours adjuré la cour de "ne pas céder à la peur" en cherchant des "coupables à tout prix", dans un contexte de menace terroriste au plus haut.
Trois attentats ont frappé la France depuis l'ouverture du procès le 2 septembre, dont l'un près des anciens locaux de Charlie Hebdo.
Face à l'onde de choc et au traumatisme créés par les attaques des 7, 8 et 9 janvier 2015, premières d'une longue et sanglante série en France, la réponse doit être celle d'une "justice exemplaire, pas sanguinaire", a prôné l'une des avocates de la défense, Zoé Royaux.
"C'est un dossier qui transpire la peur et la déraison. Je crois que quand on a trop peur, la justice devient le pire d'elle-même", a souligné sa consœur Margot Pugliese.
Des zones d'ombre
Après les témoignages puissants des survivants des attaques et des proches des 17 victimes, la cour a tenté pendant plusieurs semaines de reconstituer le puzzle de l'enquête ayant conduit les 14 accusés devant les assises, essentiellement sur la base de relevés téléphoniques et de quelques traces ADN.
Mais les débats n'ont pas permis de lever toutes les zones d'ombre, du circuit des armes aux commanditaires. Dans ces zones d'ombre, "assumées" par le parquet qui en a rejeté la responsabilité sur l'attitude et les revirements des accusés, la défense s'est engouffrée, dénonçant un dossier bourré d'"hypothèses" mais "vide" de preuves.
Les enquêteurs ont identifié deux "filières" d'approvisionnement pour les armes retrouvées en possession d'Amedy Coulibaly : l'une "lilloise" et l'autre "belgo-ardennaise". Mais rien n'a été établi concernant les armes de guerre utilisées par les frères Kouachi. Et la façon dont l'arsenal a transité puis atterri entre les mains des terroristes reste peu claire.
Quelque 200 personnes se sont constituées parties civiles au procès, le premier en matière de terrorisme à être intégralement filmé pour les archives historiques de la justice.
Initialement prévu pour s'achever le 10 novembre, le procès a été suspendu plus d'un mois après que le principal accusé, Ali Riza Polat, a été testé positif au Covid-19 puis victime de complications médicales.
Avec AFP