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Hommage à Samuel Paty : "Cet attentat n’a fait que redoubler mon envie d’enseigner !"

Deux jours après l’assassinat à Conflans-Sainte-Honorine du professeur d’histoire Samuel Paty, plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, dimanche, place de la République à Paris pour honorer la mémoire de leur collègue. Reportage.

Sous un soleil d’automne, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées, dimanche 18 octobre, sur la place de la République à Paris pour rendre hommage à Samuel Paty, professeur froidement assassiné, vendredi, après avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet. Encore sous le choc, professeurs et citoyens de tous bords ont répondu à l’appel parisien initié par plusieurs associations dont SOS Racisme et des syndicats enseignants (FSU, Sgen-CFDT, L’Unsa-Éducation...). Un appel qui a également été relayé par la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo. Plusieurs personnalités politiques ont également participé à cet hommage, notamment le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer.

Dès 14 heures, enseignants, militants associatifs ou simples citoyens se sont pressés place de la République, comme beaucoup l’avaient déjà fait, le 11 janvier 2015, après les attentats qui ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo.

Dans les rangs, beaucoup se rappellent la marée humaine qui avait déferlé dans les rues cinq ans auparavant, et cette émotion de voir Paris, devenir le temps d’une journée, "la capitale du monde", selon les mots de François Hollande. "J’étais déjà sur cette place en 2015, je n’aurais pas pu me regarder dans la glace si je n'étais pas venue cet après-midi", explique auprès de France 24, Nathalie, enseignante-chercheuse de 64 ans, les yeux embués et le visage masqué. 

"Cet attentat n’a fait que redoubler mon envie d’enseigner !" 

Cette enseignante-chercheuse forme depuis des années de futurs professeurs. Alors, lorsqu’elle a eu écho de cette attaque, Nathalie n’a pu contenir ses larmes. "Ça aurait pu arriver à l’un de mes élèves. Mon premier réflexe a été de leur écrire pour leur dire que je pensais à eux. Un tel drame pourrait les décourager de poursuivre leur carrière", raconte-t-elle, émue.

"Au contraire !", assure un peu plus loin, Élodie, pancarte et drapeau français à la main. "Il y aura bien sûr un 'avant' et un 'après' pour les enseignants. Mais cet attentat n’a fait que redoubler mon envie d’enseigner ! Je veux aiguiser l’esprit critique de mes élèves, d’autant plus qu’ils sont très jeunes", précise cette institutrice de 32 ans qui enseigne à Nanterre. "En maternelle, les élèves sont déjà en âge de comprendre la notion de liberté, le fait d’avoir son propre avis, son propre travail", note-t-elle.  

"Le blasphème n’existe pas dans notre République"

Quelques mètres plus loin, Nicole, grande brune de 67 ans, brandit trois caricatures de Charlie Hebdo. "Prenez-les en photo, partagez-les, diffusez-les. Le blasphème n’existe pas dans notre République !", s’écrie la Parisienne, les yeux rougis. 

À mesure que les minutes passent, le cortège s’élargit. Les slogans "Je suis enseignant", et "Je suis Samuel" s’affichent sur les pancartes, décorent les manteaux. Quelque-uns entonnent le refrain mélancolique d’Hugues Aufray, "Adieu monsieur le professeur", avant qu’une vague d’applaudissements ne parcourt la foule. La peine se devine sous les masques.

À l’autre bout de la place, Dominique Sopo, président de SOS Racisme entame son discours, en saluant le monde enseignant, ces "piliers de la République". Une minute de silence est observée, suivie d’un chant de la Marseillaise. Puis les conversations reprennent. Et la tristesse se mêle pour beaucoup à la colère. Des groupes d’enseignants s’écharpent sur la question de la responsabilité de chacun face au drame : qui doit-on condamner ? Qu’est-ce qui aurait pu être évité ? 

"On se retrouvera comme ça sur cette même place tous les cinq ans ?"

Pour William, 63 ans, l’État ne peut nier sa part de responsabilité : "Les gouvernements ont été trop frileux sur la question de l'islamisme. C'est un problème qu'ils peinent à accepter, mais il faut appeler un chat un chat. Ce n'est pas une question d'amalgame", s’énerve derrière son masque ce retraité de 64 ans. 

Un discours partagé par Purita, aide-soignante en hôpital dans la région parisienne. "C’est bien beau de mettre des fleurs, de poser des bougies sur le sol, mais on fait quoi après ? On se retrouvera comme ça sur cette même place, tous les cinq ans?"