
Véronique Cayla et Éric Toledano une ex-dirigeante de l'audiovisuel et l’un des réalisateurs les plus en vue du cinéma français, devraient prendre mardi la présidence des César. Ils auront la lourde tâche de relever l'institution phare du cinéma français. Chronologie d'une crise.
Leur élection à la tête de l'Académie n'est plus qu'une formalité. Véronique Cayla et Éric Toledano devraient être élus, le 29 septembre, à la présidence de l’Académie des César, dans un vote par vidéo-conférence. Nul mystère sur l’issue de ce vote : ils sont les seuls à s’être portés candidats.
Le poste ne fait plus rêver. L'institution phare du cinéma français avait explosé en vol en début d'année, minée par les accusations d'entre-soi, d'opacité et de manque de mixité. Mais elle tente aujourd’hui de se relever et cette élection porterait à sa tête deux personnalités "respectées et très différentes" du milieu du cinéma, souligne la présidente par intérim, Margaret Menegoz.
Véronique Cayla, 70 ans, a déjà eu de hautes responsabilités dans le milieu de la télévision et du cinéma (à la tête du Centre national du cinéma, puis d'Arte, qu'elle a quittée cet été). Éric Toledano, 49 ans, est un cinéaste auteur de films à succès, réalisés avec Olivier Nakache, dont "Intouchables", "Le sens de la fête" ou "Hors normes".
Une succession de crise et de polémiques
Leur tâche s'annonce rude. Depuis le début de l’année, crises et polémiques s’enchaînent. Les premiers soubresauts s'étaient fait sentir mi-janvier, à l'occasion du dîner des candidats aux nominations pour les César du meilleur espoir. La Société des réalisateurs de films (SRF) s'était alors indignée que l'Académie ait refusé deux marraines pour des espoirs, la romancière Virginie Despentes et la réalisatrice Claire Denis. Soutenue par plusieurs réalisateurs et acteurs, elle avait dénoncé "des agissements opaques et discriminatoires indignes".
À peine un mois après, dans une tribune publiée le 11 février, près de 400 personnalités du cinéma français dont Omar Sy, Bertrand Tavernier, Michel Hazanavicius, Jacques Audiard, Céline Sciamma, Marina Foïs ou Agnès Jaoui ont réclamé une "réforme en profondeur" de l'Académie des César. Parmi leurs reproches principaux, des "dysfonctionnements", une "opacité des comptes" ou des statuts qui "n'ont pas évolué depuis très longtemps" et reposent encore et toujours sur "la cooptation". Ils se plaignent aussi que les membres de l'Académie des César n'aient "aucune voix au chapitre, ni dans les fonctionnements" de l'Académie et de la structure qui la régit, l'APC, "ni dans le déroulé de la cérémonie".
Le César de "la honte!"
Quarante-huit heures plus tard et quinze jours avant la cérémonie, la direction de l'Académie, dont son président Alain Terzian, annonce sa "démission collective". "Cette démission collective permettra de procéder au renouvellement complet de la direction", poursuit le communiqué des César. Dans la foulée, la productrice Margaret Menegoz est nommée au poste de présidente par intérim dans l’attente d’une assemblée générale qui doit avoir lieu au mois d’avril suivant.
Mais ce changement de casting n’apaise pas les tensions. La cérémonie provoque une nouvelle tempête. Le César de la meilleure réalisation est attribué à Roman Polanski pour son film "J'accuse", alors que ce dernier est visé par des accusations de viols. Cette récompense suscite la colère de plusieurs personnalités, dont Adèle Haenel, devenue symbole du mouvement #MeToo à la française, qui quitte la salle Pleyel. L'image du départ fracassant de l'actrice Adèle Haenel, en criant "La honte", avait marqué la soirée.
Ce César remis à Polanski symbolise, pour les féministes, le sexisme qui continue d'empoisonner le cinéma français et sa difficulté à se réformer, après la vague #MeToo de dénonciations de faits de harcèlement et de violences sexuelles née aux États-Unis et avec peu de répercussions en France.
Parité obligatoire
Depuis, alors que certains remettaient en cause leur existence, les César ont entrepris une ample rénovation. Le 9 juillet, l’Académie annonçait l’adoption d’une large réforme de ses statuts, mettant notamment l'accent sur l'égalité hommes/femmes. La mesure phare de cette réforme : confier la présidence à un "tandem" des deux sexes. La "parité intégrale" est aussi instaurée dans l'assemblée générale de l'association, son conseil d'administration et son bureau.
Le fonctionnement des César est largement simplifié. Les 4 313 membres de l'Académie, ces personnalités et professionnels du 7e art qui décernent les récompenses, peuvent désormais se présenter et élire pour quatre ans leurs représentants dans l'association qui organise la cérémonie. Auparavant, les membres intégraient ces instances mécaniquement (après avoir reçu un Oscar, par exemple) ou en étant cooptés par des membres déjà présents.
Les César se modernisent... mais gardent Polanski
Néanmoins, les polémiques n'ont pas tardé à ressurgir. Mi-septembre, la nouvelle assemblée générale de l’Académie a été élue. Mais, lorsque la liste des 182 nouveaux administrateurs a été dévoilé, la présence de 18 membres "historiques" a suscité le malaise. Parmi eux, on retrouve Alain Terzian, l'ancien patron des César, et Roman Polanski, autorisé à siéger en tant que lauréat d'un Oscar (pour "Le Pianiste" en 2003).
Les réactions sont vives et immédiates. La cinéaste Andréa Bescond, très engagée contre les violences sexuelles faites aux enfants, exprime sa colère sur son compte Instagram : "Nous découvrons que des membres historiques demeurent, dont Roman Polanski. NON!!" La réalisatrice des "Chatouilles" a précisé qu'elle ne participerait pas à cette "mascarade" si ces "vieux statuts" ne changeaient pas. Face à la bronca, le réalisateur a finalement annoncé qu'il ne participerait pas aux décisions de la nouvelle Académie des César et donc au vote de mardi.
A post shared by Andréa Bescond (@andrea_bescond) on Sep 14, 2020 at 11:57pm PDT
Avec AFP