C’est en ordre dispersé que les États européens rouvrent leurs frontières. Difficile de s’y retrouver dans cette Union déconfinée mais désharmonisée. Frontières ouvertes ou fermées ? France 24 fait le point.
Alors que les pays de l'Union européenne (UE) se déconfinent progressivement, les États membres de l'espace Schengen rouvrent leurs frontières de façon désordonnée, préfigurant un difficile retour à la normale.
Pourtant, une législation européenne encadre ces réouvertures. "Il appartient à chaque État membre de clôturer ses propres frontières, mais ils doivent le faire dans le cadre du Code Schengen", rappelle Alberto Alemanno, professeur de droit européen interrogé par France 24.
"On doit respecter certains critères et ces mesures doivent être justifiées et proportionnées", précise-t-il. Dénonçant également les "discriminations" à l'égard de certains ressortissants, contraints d'observer une quarantaine ou soumis à des contrôles aux frontières.
Au sein de l'UE, ces situations aussi variables entre les différents États membres relèvent, selon Alberto Alemanno, d'un manque d'harmonisation de la part des instances européennes. "Il est vrai que la Commission européenne a essayé de coordonner tant l'introduction que la levée de ces mesures. Mais elle n'a pas réussi", pointe le professeur de droit.
S'exprimant devant la presse après une visioconférence entre les ministres de l'Intérieur des 27 États membres, la Commissaire aux Affaires intérieures, Ylva Johansson, a précisé, vendredi, que la plupart des gouvernements de l'Union européenne lèveraient d'ici au 15 juin les contrôles aux frontières entre pays membres. France 24 fait le point.
- En Italie, des touristes européens largement accueillis
L'Italie fait figure d'exception au sein de l'espace Schengen. Mercredi, elle a sauté le pas en ouvrant ses frontières aux touristes européens. "Après des semaines d'énormes sacrifices, il y a de l'enthousiasme dans l'air, une vie sociale retrouvée", s'est réjoui le Premier ministre Giuseppe Conte. L'enjeu est de taille pour l'Italie : le pays, qui connaît sa plus grave récession depuis la Seconde Guerre mondiale, a un besoin crucial de voir revenir les touristes.
Rome fait donc pression sur les autres pays membres pour rétablir la liberté de circulation sur le sol européen. Le chef de la diplomatie italienne, Luigi Di Maio, a rencontré mercredi à Rome son homologue français, Jean-Yves Le Drian, et a demandé à cette occasion "la réciprocité" à ses partenaires européens sur la réouverture des frontières.
Craignant une reprise de l'épidémie, la Suisse et l'Autriche font la sourde oreille et gardent leur frontière italienne fermée, suscitant le mécontentement de Rome.
"L'Italie peut montrer que notre situation actuelle est meilleure que celle de certaines parties du Vieux Continent", s’est défendu Luigi Di Maio. Annonçant que l’Autriche et l’Italie allaient opérer une comparaison de leurs données épidémiologiques
- Une vaste réouverture se profile en Belgique
Certains pays européens comptent adopter une stratégie proche de celle de l'Italie, mais plus tard. À partir du 15 juin, la Belgique rouvrira ses frontières vers et au départ des pays appartenant à l'UE, au Royaume-Uni, ainsi que les quatre autres pays de la zone Schengen, a annoncé mercredi la Première ministre Sophie Wilmès, citant ainsi la Suisse, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein.
Sortir du pays, mais pour aller où, et dans quelles conditions ? Si la Belgique autorise les départs et les arrivées de voyageurs, ce n'est pas forcément le cas de tous les pays européens. "Attention toutefois […] aux conditions imposées [par chaque pays]", a mis en garde la Première ministre, invitant les voyageurs à se renseigner au préalable.
Pourtant, le gouvernement reste confiant. Mercredi, Pieter De Crem, le ministre belge de l'Intérieur a dit compter sur le principe de "réciprocité" à propos du franchissement des frontières. Dans la zone Schengen, qui compte 26 pays au total, a-t-il affirmé, il y a "encore quelques réticents, [mais] la plupart des pays seraient d'accord d'ouvrir leurs frontières aux alentours du 15 juin".
- La France favorable au 15 juin
Le Premier ministre français, Édouard Philippe, s'est ainsi dit "favorable" à la réouverture des frontières intérieures de l'Europe à compter du 15 juin. Il a évoqué la possibilité d'une absence de "quatorzaine" pour les voyageurs venant en France, sauf si leur pays en imposait aux ressortissants français, auquel cas Paris appliquerait un principe "de réciprocité".
- En Grèce, des touristes venus d'Europe et d'ailleurs, dès le 15 juin
Déterminée à relancer son industrie touristique, la Grèce se prépare déjà à l'arrivée de touristes. Le pays a autorisé les deux principaux aéroports d'Athènes et de Thessalonique à accueillir, à partir du 15 juin les visiteurs d'une trentaine de pays. Cette liste est composée d'une majorité de pays membres de l'UE, les principaux clients de la Grèce. Parmi ces derniers se trouvent notamment la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni.
- En Espagne, cacophonie sur le réouverture des frontières terrestres
Les touristes européens qui souhaiteront quant à eux se rendre en Espagne devront attendre le 1er juillet. La péninsule ibérique rouvrira ses frontières terrestres avec la France et le Portugal à cette date, et non le 22 juin comme l'avait indiqué plus tôt la ministre du Tourisme.
- Ces pays qui rouvrent partiellement
Plusieurs pays ont quant à eux prévu une ouverture partielle de leurs frontières, établissant ainsi une sélection – controversée – de ressortissants.
Le gouvernement britannique réfléchit par exemple à instaurer des ponts aériens avec certains pays, qui permettraient ainsi d'éviter à de nombreux voyageurs entrant au Royaume-Uni d'observer la quarantaine.
Autre exemple d'ouverture partielle : l'Autriche. Depuis jeudi, le pays cesse les contrôles systématiques à ses frontières terrestres, à l'exception de celles avec l'Italie. Les voyageurs en provenance de l'Allemagne, du Liechtenstein, de la Suisse, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la République tchèque et de la Hongrie ne devront plus observer une quarantaine ni présenter un test négatif au Covid-19.
Le ministre autrichien des Affaires étrangères, Alexander Schallenberg, a précisé maintenir les restrictions avec l'Italie en raison de la situation épidémique, mais entend analyser à nouveau la situation la semaine prochaine.
Quant aux Pays-Bas le gouvernement néerlandais a annoncé mercredi une assouplissement des mises en garde sur les voyages touristiques pour plusieurs pays d'Europe. Les voyages non essentiels ne seront plus déconseillés dans douze pays européens, dont l'Allemagne, la Belgique et l'Italie.
En revanche, ils resteront déconseillés après le 15 juin notamment vers le Royaume-Uni et la Suède, où les risques sanitaires sont estimés "plus élevés", selon le gouvernement.
L'Allemagne a elle aussi pris des mesures similaires, puisque le gouvernement a décidé mercredi de lever à partir du 15 juin ses mises en garde sur les voyages touristiques en Europe.
- À quand une réouverture des frontières extérieures de l'UE ?
Pour le moment, les frontières extérieures de l'UE restent fermées jusqu'à nouvel ordre. Mais le sujet devrait prochainement arriver sur la table des négociations. Pour le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Drian, "il faudra, autour du 15 juin, savoir ce qu'on va faire pour nos frontières extérieures", appelant à une "nécessaire coordination" entre les pays membres.