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Un jihadiste du groupe EI jugé en Allemagne pour génocide contre les Yazidis

Un jihadiste de l'organisation État islamique arrêté en Grèce et remis à l'Allemagne est jugé à partir de vendredi à Francfort pour le meurtre d'une petite fille yazidie qu'il avait réduite en esclavage avec sa maman en Irak. Il comparaît également pour génocide, une accusation souvent difficile à prouver en justice.

Un membre présumé de l'organisation État islamique comparaît à partir de vendredi 24 avril en Allemagne pour génocide et le meurtre d'une enfant de la minorité yazidie qu'il avait réduite, tout comme sa mère, à l'état d'esclave.

Présenté comme Taha al-J., 37 ans et originaire d'Irak, il est également accusé de crimes contre l'humanité, crimes de guerre et trafic d'êtres humains devant le tribunal régional supérieur de Francfort.

Son épouse, l'Allemande Jennifer W., comparaît de son côté depuis un an devant une cour de Munich pour le meurtre de la fillette, que le couple est accusé d'avoir laissée mourir de soif en 2015 à Falloujah, en Irak.

"Achetées comme esclaves"

L'ouverture de l'audience en avril 2019 avait été considérée comme le premier procès au monde des exactions commises par l'organisation jihadiste à l'encontre des Yazidis, une minorité kurdophone du nord de l'Irak, persécutée et asservie par les jihadistes à partir de 2014.

La mère de l'enfant, présentée par la presse comme Nora, a témoigné à plusieurs reprises à Munich du calvaire qu'elle affirme avoir subi avec sa fille, Rania.

Selon l'acte d'accusation, Taha al-J. avait rejoint dès mars 2013 les rangs du groupe État islamique et occupé jusqu'à l'an dernier diverses fonctions pour le compte de l'organisation à Raqqa, "capitale" des jihadistes en Syrie, mais aussi en Irak et en Turquie.

La justice allemande lui reproche notamment d'avoir "fin mai-début juin 2015 acheté comme esclaves" une femme de la minorité yazidie et sa fillette de cinq ans et de les avoir emmenées à Falloujah, où elles ont subi de graves sévices et été en partie privées de nourriture.

Morte de soif

Après de nombreuses maltraitances, au cours de l'été 2015, la petite fille avait été "punie" par l'accusé pour avoir uriné sur un matelas, et attachée à une fenêtre à l'extérieur de la maison où elle vivait enfermée avec sa mère par des températures avoisinant les 50 °C. La fillette était morte de soif tandis que la mère avait été contrainte de marcher dehors pieds nus, s'infligeant des brûlures graves en raison de la chaleur extrême du sol.

Les deux victimes avaient été enlevées à l'été 2014 après l'invasion par le groupe État islamique de la région irakienne du Sinjar. Elles avaient ensuite été à plusieurs reprises "vendues" sur des "marchés aux esclaves", selon le parquet.

Placé sous haute surveillance policière, ce procès devrait s'étaler au moins jusqu'à la fin août. Interpellé en Grèce le 16 mai 2019, l'accusé avait été remis à l'Allemagne le 9 octobre et placé en détention provisoire le lendemain.

Prouver un génocide est difficile

Au procès de Jennifer W., la mère de la petite victime est représentée par l'avocate libano-britannique Amal Clooney et par la Yazidie Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle des jihadistes et co-prix Nobel de la paix 2018. Les deux femmes sont à la tête d'une campagne internationale pour faire reconnaître les crimes commis contre les Yazidis comme un génocide.

Néanmoins, prouver l'existence d'un génocide devant la justice s'avère difficile car la volonté d'anéantir tout un groupe comme les Yazidis doit être démontrée, selon des spécialistes.

La petite minorité ethnoreligieuse yazidie est considérée comme la plus persécutée par les jihadistes, qui ont réduit ses femmes à l'esclavage sexuel, enrôlé de force des enfants comme soldats et tué des hommes par centaines.

En août 2014, le groupe État islamique s'est livré, selon l'ONU, à un potentiel génocide : d'après leurs autorités, plus de 1 280 Yazidis ont été tués, et plus de 6 400 Yazidis ont été enlevés.

Avec AFP