
En visite à Nagasaki et à Hiroshima, touchées en 1945 par la bombe atomique, le pape François a dénoncé dimanche la dissuasion nucléaire, qu’il a qualifiée de "fausse sécurité". Ce rejet clair de la théorie de la dissuasion nucléaire constitue une rupture avec le passé.
Une "fausse sécurité" qui envenime les tensions dans le monde. C’est avec ces mots que le pape François, en visite au Japon dimanche 24 novembre, a dénoncé depuis Nagasaki puis Hiroshima la logique de la dissuasion nucléaire garantissant la paix.
Le souverain pontife argentin, arrivé dimanche matin sur l'île de Kyushu (sud-ouest du Japon), où se trouve la ville de Nagasaki, a d'abord prié en silence sous une pluie battante devant le principal monument du "parc de la paix", lieu d'impact de la bombe atomique. Il y a déposé une couronne de fleurs blanches que lui ont remise des survivants.
Il a dénoncé "l'horreur indescriptible vécue dans leur propre chair par les victimes et leurs familles" dans cette ville où une bombe atomique américaine lâchée le 9 août 1945 a fait au moins 74 000 morts. Le pape doit aussi se rendre en fin de journée à Hiroshima, où avait été larguée trois jours plus tôt une autre bombe nucléaire, qui fit 140 000 morts.
"Une paix désarmée"
"La possession des armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive n'est pas la réponse la plus appropriée" à l'aspiration de paix et de stabilité, a attaqué le pape.
"Notre monde vit la perverse dichotomie de vouloir défendre et garantir la stabilité et la paix sur la base d'une fausse sécurité soutenue par une mentalité de crainte et de méfiance qui finit par envenimer les relations entre les peuples et empêcher tout dialogue", a-t-il ajouté, démontant l'argumentaire classique de la dissuasion nucléaire.
"L'utilisation de l'énergie atomique à des fins militaires est aujourd'hui plus que jamais un crime, non seulement contre l'Homme et sa dignité, mais aussi contre toute possibilité d'avenir dans notre maison commune", a ensuite déclaré François dans un message prononcé au Mémorial de la paix de Hiroshima, non loin du lieu où avait été larguée la bombe américaine le 6 août 1945.
"La véritable paix ne peut être qu'une paix désarmée", a-t-il plus tard martelé.

Rupture avec le passé
L'horreur de la guerre et des armes, un cri récurrent de l'Argentin Jorge Bergoglio, s'inscrit dans la continuité des papes qui l'ont précédé.
Mais un rejet clair de la théorie de la dissuasion nucléaire constitue une rupture avec le passé. Devant l'ONU en 1982, Jean-Paul II avait défini la dissuasion nucléaire comme un mal nécessaire "dans les conditions actuelles". Le Saint-Siège a ratifié en 2017 le Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN).
Selon Odon Vallet, historien des religions invité sur le plateau de France 24, "le raisonnement du pape – originaire d'Argentine, pays ne disposant pas de l'arme nucléaire –, consiste à dire que si l'on veut interdire la bombe pour de nouveaux pays, il faut que les pays qui ont la bombe y renoncent".
Sur cette position, toutefois, le pape n'est pas suivi par l'ensemble du clergé, ajoute Odon Vallet, prenant l'exemple des évêques américains. "Il faut saisir les nuances", précise-t-il, retenant du discours de François la volonté d'aller vers une destruction progressive des armes nucléaires. "Il y a des traités de non-prolifération que le Vatican a par deux fois signés, et qui cherchent à progressivement réduire le stock et à faire de la dissuasion nucléaire une possiblité, une éventualité, mais de plus en plus rare", explique-t-il.
Le Japon, doté d'une Constitution pacifiste, s'est donné en 1967 pour principe de "ne pas produire, détenir ou introduire sur son territoire d'armes nucléaires". Reste que le pays dépend du parapluie nucléaire américain pour sa sécurité.
À peine 440 000 Japonais sont catholiques, sur une population totale de 126 millions d'habitants.
François rencontrera lundi des victimes du séisme de magnitude 9 survenu au large du nord-est du Japon et du tsunami, qui avaient tué quelque 18 500 personnes le 11 mars 2011, une catastrophe naturelle suivie par le désastre nucléaire de Fukushima.
Avec AFP